Comment vivre à l’Extrême Ouest de l’Ouest

J’ai 35 ans, je n’ai jamais quitté le territoire de l’Europe.

Pourtant, je n’ai jamais appartenu à aucun de ses cadres sociaux structurants et j’y vis en permanence comme à l’étranger.

Ses cadres sociaux structurants, ce sont :

La Famille

Ma mère a été victime d’abus sexuels vers l’âge de 10 ans par un de ses oncles. Sa première fois avec mon père, il l’a forcée. Il a abandonné notre famille et cessé de payer la pension. Elle a sombré dans l’alcoolisme. Elle s’est mise avec un crétin alcoolique violent qui la battait et, pervers, tendait à essayer de m’abuser sexuellement. J’ai croisé des dizaines de gens porteurs d’éléments d’histoire similaire. Il ne faut plus nous raconter de conneries sur l’état où se trouve l’institution familiale aujourd’hui.

Je n’ai pas fondé de famille. Je ne cherche pas à me caser et me reproduire n’est pas une obsession, c’est une souhait de vie fondamental mais optionnel. J’ai très peu de liens avec ma famille, en gros on ne se parle plus.

Je suis donc une ex-victime du cadre familial totalement incapable de m’éduquer et de me protéger (j’ai dû me faire contre eux et contre la structure même!!), et une fois responsable je m’abstiens de reproduire ce cadre. Je prêche l’amour libre, par ailleurs. Je pense qu’une éducation collective des enfants serait bien plus sûre, plus enrichissante et plus juste.

L’Etat

L’Etat, dans mon cas, est cette institution suprême dont les sous-institutions police / justice / médecine généraliste publique (remboursée par l’Etat) a totalement défailli. Pour toute réponse, on a eu droit à une absence complète de toute réponse pertinente. Police et justice incapables de retrouver un citoyen français identifié par son état-civil ? Le médecin qui, pendant des années, assiste à la situation d’une mère de 3 mineurs, battue et alcoolique, et s’abstient de tout signalement à la Protection judiciaire de la jeunesse, et de toute prise en charge psychologique sérieuse de la malade ? Cela valait-il la peine de financer ce traître à ses obligations déontologiques de base ?

L’Etat contrôle et structure les formes et les contenus de l’Education Nationale. Elle m’a fait chier tout du long. Là aussi j’ai dû me faire contre elle, reprendre mon « temps de cerveau disponible » aux cours qui ne m’intéressaient pas, zapper systématiquement des années entières en utilisant le budget de mes bourses pour m’auto-former d’une manière bien plus enrichissante que ce que ces blaireaux me proposaient. Les formes de l’enseignement public sont de bout en bout imprégnées d’un principe d’autorité qui contredit frontalement et brutalement l’esprit même de la curiosité humaine : l’esprit va où il veut. Le cloisonnement des disciplines, les horaires imposés, la limitation bornée, idiote, des horizons de savoir (et si l’enfant se passionne pour les nuages ? et si l’adolescent veut connaitre l’histoire des musiques qu’il écoute et apprendre l’anglais par les arts contemporains plutôt que via Shakespeare ? à l’école, au collège, au lycée, à la face : pas moyen !), la forme des lieux (ces salles de classe militaires, en rangs d’oignon orientés-prof… tout est faux là-dedans ! les apprenants doivent pouvoir bouger, boire, manger, jouer, là où ils apprennent. L’environnement est plus éducatif quand il est riche d’opportunités . On peut imposer des horaires globaux, mais imposer 1 heure de géo et seulement de géo puis 1h d’anglais et seulement d’anglais, ce découpage est ridiculement anti-cognitif !!! Ces cons font des années d’études pour en arriver à bafouer un principe de base de la communication humaine, bien joué, aux frais du contribuable ! Nan, l’EN, c’est pas possible, institution à abattre. Si on disait, là illico maintenant, que les écoles et universités, IUT, IME, prépas, grandes écoles, tout le système, devient un lieu d’enseignement public basé sur le partage des savoirs, la libre curiosité, les activités éducatives, et ce d’une manière auto-gérée, à savoir que ce sont les apprenants et eux seuls qui déterminent ce qu’on enseigne, où quand et comment, on élèverait d’un coup et à peu de frais le niveau d’éducation occidental. Il semble que les systèmes d’éducation publics, hérités d’âges obscurs militaires et religieux, aient gardé un côté caserne ou couvent. Il faut faire le ménage et rénover la maison !

L’Eglise

Il y a des gens encore aujourd’hui, même si ça me semble incroyablement archaïque et dinosauresque, qui grandissent dans une Église ou qui appartiennent à une Foi. Orthodoxe ou bouddhiste, musulmane ou arménienne. Je n’ai pas grandi dans une Église, le catholicisme m’a très vite semblé ridicule (malgré une certaine fascination envers le personnage de Jésus…) et je suis sur le plan philosophique partisan d’un matérialisme ontologique radical, ennemi de tout compromis avec ces âneries que sont le spiritualisme et l’idéalisme (des courants bien vivants en politique, cf la CDU en Allemagne par ex, les démocrates-chrétiens en Italie, Espagne, etc.) La Foi m’apparaît simplement comme une erreur de jugement en provenance de personnes sous-éduquées. Il suffit d’une simple initiation aux données de la science pour faire clairement la différence entre des croyances fondées sur rien et proclamant toutes sortes d’absurdités (changer l’eau en vin, monter au ciel à cheval, renaître après sa mort, marcher sur l’eau, « jugement », lien entre les divinités et des personnalités comme le roi ou un Saint ou un Pape etc. etc.), et les données fondées sur une étude scientifique elle-même basée sur les faits et la discussion collective pour établir des vérités sûres (la gravité existe et se mesure en fonction de tel paramètre) , des erreurs sûres (le Suaire de Turin est un faux; la terre est ronde, pas plate comme on a cru longtemps), et définir ce qui relève de l’incertitude et du choix (par ex: quand le langage humain est-il apparu ? Par définition, on ne le saura jamais avec précision ni 100% de certitude. Ou : quel est le meilleur système politique ? Eh bien, la réponse dépend des valeurs et de l’état de l’idéologie… la réponse sera donc forcément relative à une population à un moment donné. S’il y a avait un continent fait de 199 États fascistes militarisés, le choix d’être une démocratie pacifiste et neutre semble quelque peu hasardeux. Au mieux il faudrait réagir au contexte avec une démocratie autoritaire et centralisée et sur-militarisée – simplement pour survivre.) Bref, je ne trouverai jamais ma place dans une communauté religieuse.

L’Entreprise

Alors que XX% des adultes sont salariés et que le salariat ou sa variante publique le fonctionnariat représente l’idéal du travailleur, j’ai toujours fui ce modèle et presque jamais touché aucun salaire. J’ai gagné de l’argent – jamais vraiment beaucoup, mais toujours assez pour couvrir mes besoins de base – par d’autres moyens sans jamais aliéner ma liberté de vivre plus que pour quelques semaines. J’ai dû inventer, innover, improviser parfois. J’ai tendance aussi à me comporter de facto comme un entrepreneur, cela fait longtemps que je fonde des projets et que j’en conçois, certains qui restent des rêves inaccessibles, d’autres qui marchent bien.

J’ai fait certaines de mes activités sous une forme intégralement libre, sans rendre de compte à aucun État. J’ai aussi un statut d’auto-entrepreneur français et un numéro fiscal comme travailleur indépendant en Allemagne. Je suis donc un travailleur autonome : je fixe moi-même les tâches à effectuer, les enjeux, les délais. Les rares fois où j’ai travaillé pour autrui, la plupart du temps ça s’est TRES bien passé et mes employeurs ont été TRES contents de mes prestations, parfois au point de me payer finalement plus que les sommes initialement convenues… 🙂 Comme quoi, on peut être parfaitement anar et être un meilleur employé que beaucoup de gens soumis. On sait que l’autonomie est parfois une qualité professionnelle appréciée.

La Classe, la CSP

Je viens du prolétariat. Mon père quand il était là a fait des boulots de base, genre routier, gardien de pisciculture, barman et videur d’une boîte de campagne (le Crash, à Goncourt en Haute-Marne). Ma mère voulait être psy mais elle n’a été que secrétaire aux Abattoirs de Chaumont, avant qu’ils ne ferment en 1993. Je ne connais quasi-pas mes grands-parents paternels qui étaient paysans à Merrey, Haute-Marne. Ma grand-mère maternelle a fait du cannage (chaises à l’ancienne) après avoir travaillé dans une usine de chaussons à 14 ans, et mon grand-père maternel était ouvrier de base dans une scierie, et faisait du cannage aussi comme complément de revenu à sa maigre retraite.

Avec ces racines, je ne suis pas et ne serai jamais volontaire pour changer de classe.

A la fois, mon appartenance à cette sous-classe est inacceptable et je la refuse : je ne suis pas un prolo, je suis le Roi de mon micro-Etat.

A la fois, il n’est pas question de trahir mes origines et de m’embourgeoiser. La bourgeoisie est bénéficiaire de trop de crimes passés et présents, pas question de me salir à devenir un des leurs – accaparer les richesses en affamant autrui, péter dans la soie quand autrui crève à côté, pas question.

Je n’ai donc pas non plus d’appartenance de classe.

Conclusion

Je vis à l’ouest de l’ouest.

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