Jean-Jacques Lefrère – Jean-Jacques Lefrère / Pierre Leroy / Jean-Hugues Berrou – Musée Arthur Rimbaud – Trois livres sur Rimbaud

J’aurai de l’or !

Rimbaud le disparu
Jean-Jacques Lefrère
Buchet-Chastel
non paginé, 40 euros

Rimbaud ailleurs
Jean-Jacques Lefrère / Pierre Leroy / Jean-Hugues Berrou
Fayard
301 pages, 45 euros

Dix-sept artistes à 17 ans
Musée Arthur Rimbaud / ENS des Beaux-Arts
271 pages, 40 euros

De son vivant, Rimbaud a roulé sur l’or grâce à ses poèmes : vrai, faux ? Faux.

150 ans après sa naissance, Rimbaud sera pour noël un des révoltés les plus rémunérateurs du patrimoine littéraire : vrai, faux ? Sans doute vrai.

Trois livres viennent de paraître – entre autres ! – quelque part à la traîne du plus célèbre phénomène stellaire du 19ème siècle, et si on achète les trois, l’hommage se paye… 125 euros.

Très littéraire, Rimbaud le disparu donne essentiellement des fac-similés : coupures d’une presse encore toute grise et à la typographie incertaine mentionnant une Mlle Raimbaut au bras de P. Verlaine, feuilles de littérateurs fanfarons divaguant en consonnes incolores à propos de la couleur des voyelles, et les premières éditions et publications, véritablement atroces, de la Saison ou des Illuminations. Sur du papier glacé, 800 grammes la feuille, pelliculé à l’or fin, 7000 euros le kilo, il est agréablement rappelé que l’ex-génie, sur son grain de sable du Harar, « eut toujours soin de dissimuler à son entourage son passé d’homme de lettres ».

Beaucoup plus biographique, orienté enquête sur les lieux, Rimbaud ailleurs met un photographe – disons, un opérateur – à la recherche de la moindre trace spectrale d’ADN du cher disparu dans tous les environs du monde, on a ainsi – c’est là, regardez, derrière la Safrane et le sens interdit taggué – accès à : une certaine rémanence de l’atmosphère intellectuelle que respirait Rimbaud en pensant à quelques vers parmi les plus ratés des Etrennes des orphelins ; derrière une cabine téléphonique, une sorte de subtil reliquat de l’odeur de la bière restituée par un alambic humain adolescent – juste à gauche, en se concentrant bien, il reste même l’idée du regard du chien qui acquiesçait devant la scène. A part ça, ce sera Rimbaud sous toutes ses formes, d’époque, entre les deux et d’aujourd’hui, à l’heure du fan-art et des récupérations commerciales : une étiquette de terrine Rimbaud (gorge de porc, foie de volaille), trois chocolats Rimbaud, une rue Rimbaud-Verlaine ; en somme beaucoup de photographies documentaires, de bonne qualité au demeurant, et qui prennent Rimbaud comme prétexte à montrer des voies ferrées, des villes allemandes et italiennes, des arbres.

Dans ces deux livres dirigés par J.J. Lefrère, qui s’illustra surtout comme patient explorateur des à-côtés ducassiens, des textes refont le point sur tout ce qu’on sait déjà, la carrière, l’errance et les allers-retours en Europe pendant 5 ans, les sauvages pendant 10, les fusils et le soleil, la jambe qui pourrit au bout du tronc à Marseille, la gloire au 20è siècle. Rien de neuf, juste de l’ancien bien mis en valeur.

Dix-sept artistes à 17 ans, publication du Musée Arthur Rimbaud, a choisi une autre approche, subtile et tellement tangentielle qu’on ne voit presque plus ce qu’elle vise : il s’agit cette fois de montrer quelques œuvres d’artistes précoces, comme fut notre Jean-Nicolas national. En effet, il est scientifiquement prouvé que Rimbaud a eu 17 ans à un moment ; ça a suffi pour légitimer cette publication. Qu’à cela ne tienne, on y trouve quand même avec plaisir quelques portraits, biographies et reproductions d’œuvres d’artistes importants – ainsi Dado, Gina Pane, Arman, Pierrette Bloch, Madeleine Novarina ou Jean-Luc Parant ; parfois l’invitation tourne un peu à l’abus : Buren est là, mais sur 3 pages… tangente, tangente…

Quand même, délicats ces hommages, quand on sait avec quels sarcasmes Arthur Rimbaud décrivait sa famille (la Mother), ses villes (Charlestown,Parmerde), sa région (le cosmorama arduan quischlingue la neige), son travail (maintenant, c’est la nuit que je travaince) – comment il insultait les bourgeois de la place Ducale, écrivait Merde à Dieu sur les bancs et encourageait les révolutionnaires à se multiplier. Puis le libéralisme a gagné.

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