Krisis – Manifeste contre le travail – 10/18

Krisis contre le travail

Manifeste contre le travail
Krisis
10/18
106 pages, 6.4 euros

 

A grands coups d’analyses économiques marxistes et de slogans assassins, un collectif allemand cherche à libérer l’homme du travail. Stimulant.

 

La critique du travail est une déclaration de guerre à la société actuelle : c’est dit, et les trois rédacteurs allemands duManifeste du groupe Krisis y vont gaiement. En filiation proclamée avec la pensée marxiste et situationniste, les analyses du Manifeste veulent constituer le troisième assaut communiste contre la société capitaliste. Elles prennent acte d’un intolérable échec, d’une dévastation du monde et de l’homme par le capitalisme mondialisé et déshumanisé : Même par son étymologie, le travail n’est pas synonyme d’activité humaine autodéterminée, mais renvoie à une destinée sociale malheureuse. C’est l’activité de ceux qui ont perdu leur liberté. Le groupe distingue en effet clairement le travail, contraint, générateur de malheur, de l’activité, librement consentie, créativement affirmée : Le travail n’a rien à voir avec le fait que les hommes transforment la nature et sont en relation les uns avec les autres de manière active. Aussi longtemps qu’il y aura des hommes, ils construiront des maisons, confectionneront des vêtements, produiront de la nourriture et beaucoup d’autres choses (…) Ce qui ne va pas de soi, c’est que l’activité humaine tout court (…) soit érigée en principe abstrait régissant les rapports sociaux ; ce qui est effectué pourtant par le truchement du capital, « travail mort », et de l’Etat son garant universel.

Or, estime Krisis, cette société du travail forcé touche à sa fin, ou même est déjà morte et tourne à vide, parce qu’on supprime d’avantage de travail qu’on ne peut en réabsorber par l’extension des marchés. Devant l’installation des sociétés capitalistes dans le chômage structurel, générant de nouveaux prolétaires invités à se tuer, sinon au travail, du moins à la recherche d’un introuvaible «emploi» (Ce n’est plus la malédiction biblique «Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front» qui pèse sur les exclus, mais une nouvelle damnation encore plus impitoyable : «Tu ne mangeras pas, parce que ta sueur est superflue et invendable»), Krisis affirme son mépris pour toute la classe politique, droite oppressive, gauche gestionnaire, alternatifs qui se contenteraient de «niches» : il ne s’agit pas, comme on pense à gauche, de libérer le travail du joug de la haute finance ou des patrons, mais de selibérer du travail lui-même, et d’entériner par conséquent le dégoût qu’éprouve naturellement l’individu à se faire voler son temps, son corps et son esprit en échange d’un peu d’équivalent universel (l’argent) inapte à acheter de la liberté.Aucune caste dominante dans l’histoire n’a mené une vie aussi peu libre et aussi misérable que les managers surmenés de Microsoft, Daimler-Chrysler ou Sony. N’importe quel seigneur du Moyen Âge aurait profondément méprisé ces gens. C’est alors à une refonte complète des principes qui régissent la vie quotidienne et les rapports sociaux qu’invite Krisis : Et pourquoi faudrait-il encore des inspecteurs des impôts et des policiers, des travailleurs sociaux et des administrateurs de la misère s’il n’y a plus de propriété privée à protéger, ni de misère sociale à administrer, et si personne n’a plus à être dressé au respect des contraintes aliénantes du système ?

D’abord publié en allemand en 1999, très dépendant du corpus marxiste de référence, un peu ampoulé ou excessif par moments, le Manifeste contre le travail forme pourtant un arsenal théorique plutôt consistant ; à tout le moins, c’est une voix à prendre en compte, en tant qu’elle est extérieure à tout le dispositif politique en place.

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