Revue Conférence numéro 17, automne 2003

Conférence n°17, automne 2003
572 pages, 23 euros

Tous les six mois l’émerveillement philosophique? La Conférence des grands esprits fait entendre, apparemment, le même agréable murmure de la pensée et de l’écriture en automne qu’au printemps.

Pièce maîtresse de ce second volume consacré au Travail, le long et passionnant essai de Sophie Iturralde, vraie philosophe de la cité, analyse au plus près les conditions réelles du travail, que tant d’idéalistes des mains crasseuses des autres passaient sous silence : «place dans la hiérarchie, types de gestes, de procédés ou de tâches, type d’engagement de la personne, de sa pensée et de son corps». A l’opposé des philosophes (marxiens, hégéliens) qui voient dans le travail l’essence de l’homme («d’un côté un discours de valorisation sans nuances, de l’autre une indifférence complète à l’égard de sa réalité d’expérience»), Iturralde montre comment au contraire les victimes du travail industriel – qui blesse et tue corps et esprit conjointement – se font une humanité et une identité contre les souffrances de l’atelier, de l’usine et de l’entreprise, dans leurs marges et dans leurs pauses.

Un essai de et un entretien avec le «philosophe de l’occasion» Günthers Anders poursuivent la réflexion en développant des analyses des conditions de production modernes : automatisation, chômage structurel, machinisme…

Sérieuse avec son temps, et digne, la revue fait paraître la traduction d’un entretien avec Romano Prodi, président de la Commission européenne, qui explique avec une grande ampleur de vues les enjeux du projet de constitution européenne Pénélope, qui veut faire de l’Union «un sujet politique crédible et actif, porteur même à l’extérieur de ses frontières des valeurs de paix, de multilatéralisme, de solidarité et de sécurité.»

On reste en Italie avec un essai du musicienLuigi Nono, qui expose ses recherches musicales novatrices et sa rencontre avec l’informatique dans un studio de Freibourg ; avec Pétrarque qui nous parle d’otium et de studium, tout ce qu’on aime ; enfin avec Mario Praz qui se lance dans des évocations de voyageur aquarelliste : «Dans l’après-midi, à marée basse, derrière les parasols vert clair du bar, je vois des silhouettes de cavaliers et d’amazones longeant une mer d’argent pâle.» Un «dolce stil nuovo», un style vieux si charmant !

Ailleurs dans la section des Traductions de textes anciens, on retrouvera un sermon partiellement inédit de Saint Augustin, de jolis petits poèmes d’Hildegarde de Bingen, et en fin de volume, on lira – avec le même plaisir que l’autre fois – la suite des lettres inédites de Rachel Bespaloff à Boris de Schloezer, période 1947-1949.

En fait, avec Conférence, revue européenne et humaniste conduite par Christophe Carraud, c’est tous les six mois l’émerveillement tout court.

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