Comment créer une révolte d’enfants vite fait bien fait

Recette

Pour créer une révolte d’enfants vite fait bien fait, c’est très simple, il vous faut :

  • des enfants – pas trop mûrs attention ça pourrait avoir pourri !
  • une bonne envie de rigoler.

Quand vous avez ça, vous possédez les deux éléments ultra-explosifs d’une révolte d’enfants !

Ensuite :

  • Il n’y a qu’à réunir les deux éléments !

Méthode :

  • On peut utiliser toutes les méthodes qu’on voudra !

Alors, j’en raconte une.

4 enfants

Alors voilà, en décembre 2011 j’arrive dans « ma famille » et je découvre peu à peu que j’ai 4 neveux entre 4 ans et demi et 11 ans. Ouais, ça m’avait carrément échappé auparavant.

Alors je fais connaissance avec chacun d’eux, dans l’ordre chronologique et pour ne pas citer leurs noms : A, B, C, D.

Il suffit de parler et d’écouter (parler peut signifier : donner à dire, faire parler de, poser des questions).

Donc, A, 4 ans et demi, dit qu’il a un problème de violence à la maternelle, des enfants agités lui font peur et le menacent, interrogé doucement il donne une liste de noms, au moins 5. Les parents avaient l’air moyennement au courant, moi c’était ma deuxième conversation avec lui… (comme quoi, on reproche souvent aux enfants de ne rien écouter, mais il y a aussi des parents qui n’écoutent rien non plus ! Au coin, les méchants parents !!) J’avais remarqué que quand je jouais avec les autres ou sympathisais, lui se cachait. J’ai donc cherché à comprendre, cette attitude n’est pas fréquente chez les enfants qui n’ont pas peur. Le simple fait de poser quelques questions lui a permis de m’informer, de dire son petit récit d’enfant-témoin dans lequel il évoque des gamins violents de sa classe. Quelques semaines plus tard, il m’a amené un dessin qu’il a fait pour moi : ça représente une forteresse, une muraille de château… J’y vois une demande de protection, non ? Il voudrait être fort, protégé comme ce château ?

B, 7 ans, va très bien. B est très développé, très ouvert. Seul problème, il est casse-cou et ne se protège pas. Je lui ai donc appris à tomber en maniant la carotte et le bâton – le bâton, c’est : je l’engueule, je lui dis : « Là B quand je vois ça ça m’agace je dois te dire ! Ça choque mes valeurs mon cher B !! Voici pourquoi ! » Et je lui explique mon opinion. Parfois il m’envoie chier, parfois il me dit qu’il va y réfléchir, et ensuite on voit qu’il y a réfléchi – il apprend super vite. En tout cas quand j’étais là il a fini par me faire remarquer, étalé au sol : Hé t’as vu j’ai mis mes mains ! (Oui, il s’était juste bouffé le nez au sol). Et la carotte c’est de l’encourager dans son énergie ludique et de lui laisser l’exprimer à sa guise. Un enfant auto-géré, c’est un enfant qui fonctionne bien.

C, 10 ans, va plutôt bien, C a de grosses émotions et des coups de rage mais ça va. C est vif, heureux, tranquille. On le sent physique, charnel, osseux, musculaire, il aime manger, se dépenser, il a de bonnes chances d’aimer la vie !

D, 11 ans, je le sens mal dans sa peau et ça je crois savoir de qui ça vient. D a envie de parler et y’a autour de lui un milieu où ça veut pas qu’il parle. Lui, je l’ai d’abord abordé via l’école, je ne sais pas pourquoi, il avait l’air studieux, il est forcé à être studieux, il est intelligent mais le forcing, l’insistance, le dégoûte d’apprendre de cette manière, et je le comprends… D est au bord de la grande transformation et sa révolte couve, je suis content pour lui, elle va bientôt exploser. Yo. On a parlé de ses devoirs, l’anglais, la géo. J’ai essayé de lui montrer que à la fois je savais ce qu’on voulait lui enseigner, mais que ça pouvait servir à diverses choses moins chiantes que la manière dont on les lui enseigne. Je pense que j’y ai gagné un peu de sa confiance, et c’était bien un de mes buts, faire copain avec lui. Il se trouve qu’il dessine, il a un bon coup de patte ! Alors, lui m’a dit une fois « Allez Ludo tu viens on sort c’est chiant ici… on sort sans eux, tu nous emmènes… » J’ai pigé le message, j’aurais demandé la même chose à son âge, sortez-moi de là. J’ai dit ok, les 3 autres sont venus, on a été faire du patinage pas trop artistique sur la glace dans le pré, puis une balade, rencontré un berger allemand pas gentil du tout. Il est pas épanoui comme il pourrait, D, parce qu’on ne s’intéresse pas assez à qui il est.

Le catch, ou la libération des enfants à l’aide de leur propre énergie

Bon, on a commencé, à mon initiative, à faire un truc ces enfants et moi, et heureusement que ça n’a pas duré trop longtemps car ça aurait rapidement ruiné l’ordre familial régnant j’en suis convaincu 🙂

On a fait du catch !!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Qu’est-ce que le catch ?

Le catch, c’est moi qui en ai créé les règles pour pouvoir jouer avec eux. D’abord, le catch a un but : canaliser leur énergie, en faire quelque chose. J’ai remarqué que ces enfants étaient souvent chauds-bouillants, on leur disait de « rester tranquilles », mais eux voulaient bouger, on leur disait d’être sages, mais ils commençaient à se battre (4 garçons…) Je ne voyais pas de bonnes raisons de réprimer leur envie de bouger ou de se battre en soi. Je me suis dis : fatiguons-les un bon coup. J’ai donc été leur dire : « Vous êtes agités là, vous voulez vous battre ? C’est d’accord, mais par contre, je vous impose quelques règles et si vous ne les respectez pas, le jeu est fini. Ces règles, c’est : 1/ Si quelqu’un dit aïe, il faut cesser de frapper – car le but est de se battre mais pas de se faire mal ; 2/ C’est moi votre ennemi, y’a que moi que vous pouvez taper, si vous vous tapez entre vous je serai moins doux avec vous. Même moi, si je dis aïe, vous devez arrêter, sinon je ne jouerai plus avec vous. Alors ? »

Eh bien, ça les a intéressés de jouer au catch. Les seuls citoyens qui étaient contre ou pas très chauds, c’étaient évidemment les parents et ma grand-mère, qui n’est jamais d’accord pour rien à part manger des bonbons et regarder la télé et parler d’elle-même. Les parents étaient un peu comme le pouvoir ou comme des flics : plutôt inquiets, voire terrorisés par notre explosion de joie.

Alors on a commencé à jouer au catch, une fois, deux fois, peut-être six fois en tout – ils en redemandaient…

Ils se sont filé des coups de coude en douce, j’ai dû arrêter le jeu, ils devenaient dangereux, j’ai dû recadrer, B tombait n’importe comment, j’ai insisté pour qu’il se protège avec ses mains, A regardait d’abord du fond, terrorisé, mais peu à peu il s’est rapproché (4 ans et demi !) de cette violence jouée qui lui faisait peur, et il est venu se battre, C et D étaient assez matures pour jouer sans nuire, je les faisais tous valser, rouler, tomber doucement (2 d’entre eux font du judo, tout est parti de là en fait, leur pratique sportive m’a inspiré à en faire une version plus ludo-éducative).

Quand ils se déroulaient normalement (plusieurs fois, la Famille du Mal est venue interrompre la bataille trop bruyante – trop de cris, trop de rires), ces combats pouvaient durer 20 minutes intensives, où ils couraient sans relâche, m’attaquaient chaotiquement les uns après les autres, essayant diverses méthodes d’approche… on finissait tous crevés et bien calmes pour un moment – pas besoin de pilule sédative (saloperie de ritaline… utilisée comme drogue par les adultes…) ni de pédiatre pour aujourd’hui, ouf, un trajet de moins à faire en bagnole jusqu’à Nancy.

Conclusion : droit de tous à la bataille sans répression !

Notre catch a largement contribué à établir la paix sociale dans la famille.

Et même les parents qui n’étaient pas trop pour, ont bénéficié des effets positifs du catch.

Les gamins avaient l’occasion de se lâcher. L’énergie qu’ils dépensaient là, elle mettait du temps à leur revenir.

Le petit A qui avait peur de la violence, a appris à la jouer, à la domestiquer. Il en est sorti mieux armé, sans avoir eu besoin de se battre pour de vrai.

Le casse-cou B a appris à se protéger des coups et des chutes, qu’il va affronter toujours très vaillamment.

Les deux frères rivaux B et C ont eu l’occasion de rivaliser : je les ai envoyés valdinguer l’un comme l’autre, d’une manière égalitaire. Ils ont vu qu’aussi forts ou malins qu’ils soient, on trouve toujours plus fort que soi – on a tous de la marge pour apprendre.

Les 4 ont établi une plus grande confiance envers un adulte qui fait la loi. Ils ont respecté ma loi, dans l’ensemble, ou ils ont payé leur transgression d’un arrêt du jeu qui les amusait tant, une sanction qui les rendait très tristes ! (J’aime ces sanctions par privation du plaisir, et non par imposition d’une douleur ou d’une souffrance.)

A aucun moment je n’ai eu besoin de frapper ni de gueuler ni de menacer de sanctions négatives ou punitives. S’ils exagéraient, je faisais mine de me désintéresser et de partir, ça suffisait à leur faire dire qu’ils regrettaient, et le jeu pouvait reprendre, civilisé.

Je pense que le bilan du catch est tout à fait positif.

Je pense que le catch des enfants peut servir de modèle pour toutes nos révolutions à venir. Battons-nous entre-nous, en respectant nos règles de débat intellectuel. Le seul interdit, c’est l’agression physique nuisible, mais tout le reste est permis car le catch est par définition un combat libre, un combat respectueux des règles de l’adversaire.

Vive le catch et vive la joyeuse violence spontanée des enfants ! 😀

 

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