Un peu de culture générale arabo-musulmane (Un étudiant contre les Etudiants)

On répète énormément, en ce moment, à la télé (octobre 2001), qu’entre islam et terrorisme, il ne s’agit pas de faire l’amalgame, ah ça non ; mais c’est bizarre, je trouve, car à mes yeux, cela fait un peu l’effet de quelqu’un qui vous recommande trois fois de suite « ne pensez pas au nombre treize, ne pensez pas au nombre treize, ne pensez pas au nombre treize » ; qu’est-ce qu’on fait après ça ? On pense au nombre treize, on fait l’amalgame.

Du coup, voici un petit point très basique sur ce qu’est un arabe et ce qu’est un musulman.

La zone ethnique arabe et la zone religieuse musulmane se recoupent mais ne se confondent pas.

Jospin, dans un discours à l’assemblée, a expliqué qu’il y avait eu ici et là des manifestations pro-Ben Laden dans des pays « arabo-musulmans »; or, un de ces pays est l’Indonésie ; c’est aujourd’hui, démographiquement parlant, le plus grand pays musulman ; mais il n’est en aucun cas arabe.

Aujourd’hui, une bonne partie de la communauté musulmane (NB : on l’appelle « umma » ; c’est l’équivalent de la notion de chrétienté, le peuple des fidèles, de quelque ethnie qu’ils soient) est non-arabe : elle est, donc, indonésienne, indienne, iranienne, berbère, chinoise, noire-africaine (sans entrer dans le détail), française, espagnole etc etc.

Et inversement, une partie du monde arabe est ou a été non-musulmane : ainsi, au Moyen-âge, en Arabie, un petit territoire a fait sécession, s’est déclaré République et a instauré la laïcité de l’Etat ; de nombreux arabes peuvent ou ont pu être, selon les cas, juifs, chrétiens (les coptes d’Egypte), bouddhistes, animistes, polythéistes, athées. On naît arabe, on ne naît pas musulman.

 

Qu’est-ce que l’Islam?

Le mot « Islam » signifie « soumission » ; soumission à quoi ? A la parole et à la volonté de Dieu (Allah).

Cette parole a à l’origine été « dite », « lue », à Muhammad (celui qu’on appelle connement Mahomet), par l’émissaire de Dieu, l’archange Gabriel (Djibraïl en arabe) : Muhammad était en réflexion dans une caverne, l’archange est entré, et lui a dit « lis » (iqra en arabe) ; Muhammad a « lu », et cette lecture, il l’a répétée aux gens de la ville dont il était originaire, La Mecque ; gens qui ne l’ont pas écouté (car la nouvelle foi chassait l’ancienne religion polythéiste des arabes nomades de la péninsule arabique, et qui, par l’intermédiaire d’un important pèlerinage, faisait la richesse de la ville de La Mecque) ; du coup, Muhammad part à Yathrib, qui devient Médine (« Madinât-as-salam », la ville du salut), et convertit ses habitants en leur répétant le message reçu d’Allah par Gabriel ; un peu plus tard (après la mort du Prophète), ce message, d’abord transmis oralement, est consigné par écrit, et devient ce qu’on appelle le Coran (de l’arabe, Quran, signifiant « lecture, récitation », et qui donc provient en droite ligne de l’ordre donné par Gabriel : iqra, verbe, donne Quran, substantif).

Donc, bien se rappeler que :

1/ Muhammad n’est qu’un prophète, donc aucunement comparable avec Jésus, qui est fils de Dieu. Muhammad ne fait que transporter un message (ceci pour éviter certaines confusions) ;

2/ La Révélation faite à Muhammad le Mecquois / Médinois (Muhammad est revenu à La Mecque par la suite) explique que ces villes soient sacrées pour l’Islam ; c’est pourquoi Ben Laden et autres estiment que la présence d’athées américains sur ce sol représente une offense (jugement un tantinet sophistique quand même ; mais on connaît bien des villes et autres lieux interdits pour raisons religieuses : Lhasa, certaines parties de l’ancienne Rome, les sanctuaires grecs etc) ; à noter : la troisième ville sacrée pour l’Islam est Jérusalem, parce que Muhammad a décollé, de là, pour le ciel, sur un cheval blanc ;

3/ en théologie islamique, l’Islam ne vient pas mettre fin aux anciennes fois monothéistes, mais les compléter (d’où, Muhammad est appelé parfois le « Sceau des Prophètes ») ; l’Islam reconnaît donc Abraham, Moïse, Jésus, comme préparant leur foi ; simplement, juifs et chrétiens ont tort de ne pas se convertir à l’islam et de rester dans une forme incomplète de Vérité ; traditionnellement, et dans le Coran même, juifs et chrétiens occupent une place de choix, juste en dessous des musulmans : ils sont ce qui prépare, et ils avaient droit de cité partout dans le monde musulman, au Moyen-âge ; avec des phases de persécution et d’intolérance ici et là quand il s’avérait que les Chrétiens les menaçaient militairement ; ceci, donc, invalide totalement certains morceaux de discours islamistes qu’on a pu rapporter à la télé, comme quoi une jihad (guerre sainte) était possible et même souhaitable contre les chrétiens : or, une guerre à motif religieux est radicalement impossible, puisque les « dhimmis » (« gens du Livre », définis par le Coran) sont cousins des musulmans (d’ailleurs, comme je le disais, ils ont toujours eu un statut de protégés dans le monde musulman : ils avaient leurs propres quartiers dans les villes arabes, et en tout ils cohabitaient).

Enfin 4/ les arabes à qui la révélation de l’Islam a été faite sont ethniquement des sémites (de même que les juifs, de même que les anciens akkadiens etc) ; du coup, quand j’entends parler d’arabes antisémites, mes oreilles se tendent douloureusement ; comme si j’étais moi-même anti-indoeuropéen. Au grand maximum, un arabe de Palestine peut être anti-israélien, anti-Etat d’Israel, au sens politique. Ceci pour dire que ceux d’entre les arabes qui se disent antisémites et anti-juifs ne sont pas seulement victimes de la haine, mais également de l’ignorance, double, de leur parenté ethnique et religieuse avec les Israéliens et les Juifs (est Israélien un citoyen de l’Etat d’Israel ; est Juif un fidèle du Judaïsme).

Voilà pour Muhammad et le Coran.

 

Maintenant, en quoi consiste la religion musulmane ?

Est musulman celui qui prononce (sincèrement et en arabe) la phrase « Il n’y a pas d’autre dieu que Dieu » (phrase destinée à éliminer le polythéisme du cœur des premiers musulmans ; on ajoute d’ordinaire « et Muhammad est son Prophète »). C’est l’acte fondateur de l’adhésion individuelle à l’Islam. Pas besoin d’être né arabe, ni né d’une famille musulmane ; d’où la facilité, en tous temps, des conversions – et, donc, contrairement au judaïsme, la multi-ethnicité de cette foi. La phrase citée ci-dessus se nomme la Chahâda ; elle signale l’entrée dans la foi.
Le croyant est astreint à lire et suivre les recommandations du Coran, donc de Dieu. Parmi elles, les 5 actes principaux (on les appelle les « 5 piliers de l’Islam ») sont :

  • Prononcer une fois au moins la Chahâda ;
  • La prière, cinq fois par jour, à des heures définies, avec des aménagements possibles ;
  • Le jeûne au mois de Ramadân (mois lunaire du vieux calendrier arabe; c’est pourquoi il tombe à différentes époques de NOTRE année)
  • Le Hadj, le pèlerinage à La Mecque, une fois dans votre vie, si vous en avez la possibilité physique (validité) et matérielle (richesse suffisante)
  • L’aumône aux pauvres, dans la mesure de vos moyens (aux pauvres musulmans, bien sûr)

La Jihad (guerre sainte) n’est en rien obligatoire ; je dirais même qu’elle est peu recommandable, car les Dix Commandements de Moïse (dont « tu ne tueras point ») sont aussi à la base de la foi musulmane. La notion même ne fait pas l’unanimité dans le monde islamique. Les plus durs, croient pouvoir l’utiliser pour justifier toute guerre opposant musulmans et infidèles quels qu’ils soient. Les plus humains estiment qu’au maximum, elle ne devrait s’appliquer que contre des polythéistes (et non des dhimmis) ou des incroyants nuisant à l’Islam. Les plus pragmatiques, aujourd’hui, devraient bien se faire à la seconde position ; l’islam est démographiquement très important aujourd’hui ; mais militairement, le temps de la suprématie est bien loin.

Par ailleurs, la Communauté / Umma des musulmans est régie, en premier lieu, par les indications du Coran, qui organisent la vie sur à peu près tous les plans, de l’hygiène au droit privé en passant par, bien entendu, la pratique religieuse.

Mais :

Comme le Coran (cf plus haut) n’a pas été tout de suite consigné par écrit, des erreurs ou des incertitudes se sont glissées dans le texte ; des passages ont été ajoutés par erreur ou sous le coup d’une intention malfaisante ou intéressée (par exemple, tel homme puissant de l’époque, converti tardivement, après la mort de Muhammad, a fait ajouter son nom comme Compagnon du Prophète dès la première heure, afin d’obtenir un prestige) ; par ailleurs, la première transcription a été effectuée avec des caractères encore peu dégrossis, un alphabet peu efficace ; des passages se sont révélés difficiles à interpréter par les générations ultérieures, et il a fallu créer une science de l’exégèse coranique pour éclaircir ces points et aboutir à une version correcte.

D’autre part, le Prophète n’a noté que ce que lui dictait Gabriel ; mais en tant qu’organisateur de la première Communauté, que responsable religieux, il a pris des mesures et dis des paroles ; ces faits et dits ont été regroupés après sa mort : ils constituent les « Hadiths« , et complètent la révélation ; le problème est le même que plus haut : certains hadiths sont faux, inventés, mal transmis oralement avant d’être notés. Il a fallu nettoyer les recueils.

Enfin, Coran et Hadiths, même authentiques, peuvent être difficiles à appliquer et interpréter ; ils peuvent se contredire, mal résoudre des problèmes, ou ne pas envisager des situations qui se sont présentées. Pour juger, dire « ce qui est musulman » et ce qui ne l’est pas, ce qu’il faut faire et ne pas faire, des écoles juridiques d’interprétation sont nées, au nombre de quatre (malékite, hanafite, hanbalite, shaféite) Ces écoles ont pour vocation de pallier aux silences des deux premières sources d’  » islamité « . Le problème, c’est qu’elles ne sont pas d’accord entre elles. L’école malékite par exemple, qui s’est développée dans le Maghreb et en Afrique noire, adopte comme critères de jugement, dans le cas où les textes de référence (Coran et Hadiths) ne disent rien : la coutume (si les noirs convertis à l’islam ont une coutume inconnue de l’Islam, et qui ne paraît pas en contradiction avec lui, alors ils peuvent la conserver) et l’interprétation personnelle (pour tel cas, si aucun texte ne dit quoi faire, alors celui qui rend le jugement peut en son âme et conscience dire ce qui lui paraît le plus en conformité avec l’esprit de l’Islam) ; or ces deux critères, l’école hanbalite les refuse. De même, par exemple, sur la consommation de vin de raisin, sur laquelle le Coran est contradictoire, l’école hanbalite l’interdit formellement, tandis que l’école malékite la permet, dans la mesure où elle ne conduit pas jusqu’à l’ivresse (l’ivresse qui éloigne le croyant de Dieu).

Donc pour dire que ceci ou cela est juste, il faut

  • 1/ se référer au Coran ; s’il ne mentionne rien sur le sujet :
  • 2/ se référer aux hadiths ; s’ils se taisent :
  • 3/ consulter un ouléma (un juge, quelqu’un qui connaît les textes) de telle ou telle école, et voir ce qu’il en dit.

Ce qui est clair en tout cas, c’est qu’il n’y a AUCUNE autorité centrale qui dirait « ce qui est musulman », ce que les musulmans doivent faire. Il n’y a ni pape, ni pope, ni lama, ni prêtre, ni aucune autre sorte de hiérarchie religieuse. En fait de clergé, tout ce que l’Islam connaît, ce sont les congrégations de « moines » (par exemple les derviches) inspirés des moines chrétiens ; mais leur statut est très différent – ils ne sont pas légitimés dans les textes, ils ne sont pas instaurés par le Coran ou les Hadiths (d’ailleurs, les moines chrétiens ne sont pas non plus définis par les évangiles, non plus que les prêtres).

La conséquence de cela est double :

  1.  Il y a pas mal de gens, dans le monde musulman, qui se croient habilités à prononcer des fatwas (à l’origine, une fatwa est un ordre émanant du Calife, le chef politico-religieux unique de la première communauté), à requérir des guerres saintes, à voiler les femmes ou à faire porter des fusils aux enfants ;
  2. et ces gens qui prétendent parler au nom de l’Islam ne sont pas définis par lui : ils ne parlent, de fait, qu’en leur nom d’ouléma, de mollah, d’étudiant en sciences religieuses – mais ni le Coran, ni les Hadiths, ne parlent d’eux… Certes, ils existent de par la tradition musulmane. Mais s’il y a une confusion à ne pas faire, je crois que c’est bien celle-là, croire que l’Islam a une voix officielle ; il n’en a pas ; et comme le Coran instaure une religion de vie, leur voix sonne faux, quand ils défendent la mort en masse.

 

Histoire de l’Islam

1/ Les origines

En donnant une religion unique à une série de tribus auparavant polythéistes et centrées sur des idoles hétéroclites, l’Islam a unifié les Arabes. (NB : il semble qu’ « Arabe » ait d’abord signifié « nomades du désert ».) Peu après l’Hégire (640 de notre ère), l’Islam sort de la péninsule arabique, chasse les Byzantins du Proche-Orient (Syrie, Palestine, Egypte), abat et conquiert l’Empire Perse, et devient une puissance de premier plan. Après un siècle, l’aire musulmane s’étend de l’Océan indien à la plus grande partie de l’Espagne ; tous les territoires entre ces deux zones sont dès lors sous domination arabo-musulmane, ce qui signifie, d’une part, qu’une élite arabe prend partout le pouvoir, se fond aux élites autochtones, ou les rallie, ou les élimine ; et que d’autre part, les populations, très diverses, passent peu à peu à la langue arabe et à la religion musulmane. Ceci, avec beaucoup de nuances :

Par exemple, pour ce qui est de ce que nous appelons Maghreb (« Mahrib » en arabe, c’est-à-dire « couchant », « occident »), et Algérie plus précisément, elle était peuplée en partie de Berbères nomades, de descendants de romains, de descendants de barbares (ceux qui détruisirent l’Empire romain, par exemple les Alains et les Vandales (les Vandales, qui ont laissé leur nom à l’Andalousie, appelée d’abord wandalousi par les arabes qui prirent l’Espagne)), de descendants de grecs, de juifs etc. Et les Arabes, arrivés dans cette région, ont d’abord eu à soumettre les berbères, de force, militairement. D’où notre erreur, quand nous disons que les algériens sont des arabes, comme si c’était si simple ; la vérité est qu’ils ont été arabisés comme nous avons été romanisés en France / Gaule.

L’Egypte, de même, a été arabisée, sur un socle de population égyptienne antique, grecque, juive etc.

De même pour toutes les autres régions : Celtibères / romains / barbares pour l’Espagne, Grecs / Romains / Juifs / Perses pour la Syrie etc.

 

2/ Le Moyen-âge

Ce premier ensemble regroupant des peuples hétéroclites peu à peu convertis et arabisés par une élite arabo-musulmane s’appelait Empire Omeyyade ; il n’a pas tenu longtemps. Un siècle et demi après sa création, il a été remplacé (après un changement de dynastie et de capitale, de Damas vers Bagdad) par l’Empire Abbasside – et la désagrégation a commencé, quand divers morceaux d’Empire (comme l’Espagne), ont refusé la domination abbasside, et ont proclamé leurs propres autonomies, leurs propres califats etc. L’aire arabo-musulmane s’est alors divisée en quelques siècles en une multiplicité de petits-Etats, fondés sur des bases ethniques, culturelles et politiques plus anciennes. Depuis lors, l’Islam n’a jamais retrouvé d’unité politique.

Entre temps même, il avait connu un schisme (comme les chrétiens avec les schismes arien, protestant etc, et les orthodoxes avec le Raskol (notez ceci : Raskolnikov, dans Dostoïevski, cela signifie « le schismatique »; ça aide à comprend certains aspects)) : le Chi’isme. L’affaire est assez compliquée, disons seulement que le chi’isme s’est développé surtout à l’est de l’Empire Omeyyade, et qu’il est à l’origine de sa chute ; que le chi’isme est présent aujourd’hui, majoritaire, en Iran, et minoritaire dans quelques autres Etats ; enfin que le chi’isme lui-même s’est scindé en de multiples schismes et sectes (zaydite, duodécimain…), tandis que la tendance majoritaire, le sunnisme (de « sunna », « tradition ») restait unie.

Reste que, à cette époque, et même divisée, l’aire musulmane était une des plus riches du monde.

D’abord, la science arabe a joué un rôle majeur et irremplaçable dans la transmission de l’héritage antique. Si aujourd’hui nous pouvons lire Platon et Aristote, c’est grâce aux copistes arabes qui les ont traduit ; et si la science occidentale trouve son premier développement dans la redécouverte de ces textes à la Renaissance, c’est bien au transmetteur arabe qu’elle le doit.

Les arabes ont été lecteurs et traducteurs de l’héritage philosophique, théologique, médical, juridique antique ; et non contents de transmettre, ils ont développé, tels Ibn Sina (Avicenne) ou Ibn Rouchd (Averroès), les acquis ; et ces acquis purement arabes sont repassés à l’Europe et au latin par le biais des ateliers de copie à Cordoue et ailleurs.

De même, nous leur devons la transmission et l’amélioration de pas mal de procédés et d’inventions mathématiques, dont le zéro et la numérotation positionnelle ; des principes d’architecture ; le papier ; la sociologie, inventée par Ibn Khaldoun mais non reprise par l’Europe médiévale ou renaissante ; etc etc. (et même, jusqu’au conte pour enfant  » Cendrillon « , qu’on trouve d’abord en Egypte antique, puis en Grèce…)

Par la puissance démographique et urbaine aussi, l’aire musulmane laissait toutes les autres loin derrière. Au XIVè siècle, quand Paris et Londres semblaient des capitales monstrueuses avec 10 à 20 000 habitants, Le Caire (Al Qahira, qui signifie l’étoile) en comptait un million. Au XIVè siècle encore, les Mongols, nomades guerriers venus d’Asie, étaient vainqueurs de tous ceux qu’ils avaient rencontrés : les Chinois (la dynastie Ming est issue des Mongols), les Russes (les Mongols avaient pris toute la Russie orientale et arrivaient vers l’Europe, au point que la papauté s’inquiéta et envoya des observateurs pour rendre compte de leur puissance) ; les Perses ; et les premiers à les faire tomber furent ces arabes mamelouks d’Egypte et de Syrie dont je parle dans Histoire du jeune homme… L’Egypte, donc, première puissance militaire, qui mit fin aux incursions mongoles comme elle avait chassé les Croisés (avec Salah-ad-din (« sabre de la religion « ) dit Saladin chez nous), était la première puissance mondiale de l’époque.

 

3/ La décadence

Or à cette période médiévale, marquée par la décomposition politique des deux Empires primitifs, mais également par un brillant développement de la civilisation (Mr  » Berluscon  » a raison de dire que ce ne sont pas les Musulmans qui ont inventé les droits de l’homme ; mais il a tort de le dire pour de mauvaises raisons ; sans doute, Berluscon est trop la dernière syllabe de son nom pour connaître le rôle historique des Arabes), a pris fin quand un autre peuple, non plus arabe mais turc (mais musulman lui aussi ; et islamisé par les Arabes ; les turcs sont un peuple d’origine asiatique, apparenté aux Mongols), s’est trouvé assez fort pour unifier à nouveau une partie du monde musulman. Situé entre le nord de la Syrie / Palestine et la péninsule turque où ils sont aujourd’hui, les Ottomans (puisqu’il s’agit d’eux) ont commencé par battre la puissance mamelouke d’Egypte / Syrie / Palestine, alors décadente (c’est fait en 1517) ; puis, ils ont pris le Maghreb. Peu auparavant, en 1453, ils avaient supprimé l’Empire Byzantin (très affaibli par les Croisades) en prenant Constantinople.

Les Ottomans ont eu leur période brillante, de grands Sultans (comme Soliman (Suleyman) le magnifique, qui fit alliance avec notre François 1er ), une flotte puissante (pendant un siècle ils ont tenu tête à la superpuissance espagnole, celle-la même qui contrôlait l’Amérique), mais en deux siècles, par le jeu de facteurs qu’il est difficile de dénombrer ici, leur gouvernement est tombé en décadence, leur armée s’est affaiblie, les arts et lettres se sont figés, la théologie s’est affadie. (Il s’est passé la même chose à l’est, à la même époque, avec l’Empire perse : une décadence ; et à l’est de l’est, en Inde, ou dans le Sud-est asiatique, le monde musulman ne s’est pas développé de façon convenable).

Or dans le même temps, c’est l’Europe qui s’est retrouvé première sur à peu près tous les plans – les flottes portugaise, espagnole, française, néerlandaise, anglaise, ont élargi et dominé le monde, la science occidentale, l’industrie, l’agriculture, ont fait des progrès tels que cette fois, c’est ce monde arabo-turco-muslman qui s’est retrouvé en position de faiblesse, et qui, donc, s’est fait grignoter un peu partout : défaites sur tous les fronts aux XVIII et XIXè siècles, l’Autriche-Hongrie chasse les Turcs d’Europe centrale, la Russie des Tsars élargit son Sud au dépens de la Perse, Napoléon débarque en Egypte, la Restauration passe l’Algérie à la Monarchie de Juillet, la Grèce se libère, les Indes (dont le Nord musulman, devenu Pakistan aujourd’hui) deviennent territoire de la couronne britannique, le Proche-Orient passe sous domination anglo-française de même que l’Afrique noire musulmane, l’Indonésie devient hollandaise, Maroc et Tunisie français, etc etc.

Après cela, quand l’Occident s’est mis à ne plus vouloir tenir plus longtemps une colonisation en effet assez injuste et impérialiste, il a quand même fallu lui forcer la main ; et dans les combats pour la décolonisation, les factions les plus modérées, acquises à des valeurs sinon plus occidentales, du moins plus modernes, se sont retrouvées en porte à faux face aux tenants de la (pseudo) identité « arabe » pure et dure, les islamistes.

Et donc, c’est eux maintenant qu’on se coltine, et c’est eux qui veulent représenter le monde arabo-musulman – mais en fait, qui n’incarnent ni son ouverture, ni sa diversité, ni sa curiosité de penser ou de créer.

Voilà qui explique la difficile situation d’infériorité où ils sont en matière de techniques comme de droits et de libertés. Et en réalité, l’Islam qui chercherait un retour aux sources, à la pureté musulmane, contre le monde moderne, irait à contre-courant de lui-même ; car il faut bien un retour, mais à l’islam tolérant, ouvert et riche que le moyen-âge avait développé. Face à l’héritage antique, les musulmans médiévaux ont été les Japonais de leur temps ; ils ont développé LEUR culture et leur foi en intégrant des morceaux de ce qui était manifestement supérieur ; et ce faisant, ils ont eux-mêmes été, pendant quelques siècles, l’école de l’Occident. Eh bien : pour cesser de patauger, qu’ils refassent ce qu’ils ont fait une fois : face à l’héritage européen, qui a ses avantages (l’efficacité, la liberté), et ses inconvénients (une certaine déshumanisation, et pas mal d’excès et d’errements moraux), qu’ils prennent ce qui est bon, et qu’ils se l’ajoutent à ce qu’ils ont de bon. Soit ils se métissent, et développent ce qu’ils ont de proprement arabe, musulman, soit ils continuent de se viander la tronche dans le mur de l’impuissance, historiquement parlant.

 

 

Notes et autres éclaircissements :

L’islam est censé interdire la représentation du visage ; mais il y a cependant une grande tradition de peinture islamique, incluant des représentations d’hommes, dont le Prophète ; Ben Laden se laisse filmer, les manifestants islamistes montrent sa tronche sur pancarte.

En fait, ce qui est interdit, c’est la représentation du divin – et, parfois, par extension, de l’homme, parce que « tu ne te feras pas d’idoles » et « tu es à l’image de Dieu »; c’est pourquoi les Bouddhas étaient jugés coupables d’avoir enfreint la Sharia.

La polygamie : elle est effectivement autorisée par le Coran, mais avec les restrictions suivantes :

Nombre d’épouses limité à 4 maximum (Muhammad lui-même en a eu 4) – du coup, pas mal d’émirs d’Arabie Saoudite, qui en ont beaucoup plus, sont fautifs ; mais comme ils sont riches, ils se croient au-dessus de leur propre loi.

Et obligation absolue d’être en mesure de subvenir aux besoins de ces épouses et de leurs enfants.

En pratique, très peu de musulmans sont polygames.

Les tajines : oui, c’est très très bon.

T. E. Lawrence (à ne pas confondre avec D. H. Lawrence) : a combattu les Turcs dans les rangs des Arabes d’Arabie ; pour savoir ce qu’est entre autres un arabe, lisez Les Sept Pilliers de la sagesse / The seven Pillars of Wisdom, qui raconte sa guerre ; figure inoubliable du roi Fayçal.

Les pâtisseries arabes, le couscous, oui, c’est très bon aussi.

Pour un autre aspect des arabes (version turco-arabe), lire le Roman de Baybars, chef-d’œuvre comique et épique (du XVè siècle je crois) ; passez sur les massacres de chrétiens suscités avec entrain par les deux héros, et laissez vous porter par l’aspect de loin le meilleur, la verve unique de ce texte en une dizaine de volumes. C’est beaucoup mieux qu’Homère.

Voyez « Le goût de la cerise » d’Abbas Kiarostami, et vous saurez ce que c’est qu’un cinéaste iranien ; voyez « Saladin » de Youssef Chahîne, et vous en saurez plus sur une façon de s’approprier une technique en même temps qu’une histoire. Talibans, allez au cinéma, ça vous décontractera les fesses ; vous serrez trop.

Note finale : certaines erreurs se sont quasi-certainement glissées dans ce petit exposé sommaire ; il a été rédigé sans qu’il soit fait appel à aucun document, seule ma mémoire a bossé, et gratos en plus. Pour de plus amples info, voire par exemple dans l’Encyclo Universalis, articles Islam, les Arabe, Conquête arabe, colonisation et décolonisation, culture arabo-islamique, etc etc.

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