Rapport de « Mission Stendhal » Berlin 2008 à Cultures France

Note 2013 : En 2008, j’ai obtenu du jury de la commission de Cultures France (fusionnée sous Sarkozy avec l’Institut français, avec des budgets encore réduits) présidée par Yves di Manno une bourse « Mission Stendhal« . J’avais demandé à faire un séjour à Berlin pour découvrir la ville de l’acteur allemand, héros de ma saga romanesque K.I.N.S.K.I. (6 livres, 1000 à 1500 pages). J’ai obtenu 5000€ et passé de juin à septembre 2008 les 3 meilleurs mois de ma vie, malgré les aléas et mon contexte personnel.

La bourse une fois effectuée, le règlement me faisait l’obligation d’envoyer un bref rapport sur l’activité d’écriture menée. J’ai donc envoyé ce qui suit. Il parait que cela a fait rire ou sourire, cela a été bien accueilli en tout cas. J’ai d’ailleurs été bien accueilli à Berlin, à l’Ambassade de France comme à l’Institut français. Je ne les ai vus qu’une fois ou deux, sur place, mais c’était informatif, sympathique, cordial. On me traite mieux dans la culture que dans les systèmes sociaux, je remarque…

La vie à Berlin m’a tellement plu que dès mon retour à Marseille en septembre, c’était décidé et planifié : je ne rentrais que pour faire mes affaires et revenir 🙂 J’y suis toujours. Berlin mon amour !

Rapport « Mission Stendhal »

Marseille, le 11 novembre 2008

Madame,

Monsieur,

Tout romancier même débutant le sait, ne pourrait même savoir que cela : une bonne histoire, c’est une série de paradoxes. Voici l’histoire paradoxale de ma résidence d’écriture à Berlin, du 10 juin au 10 septembre 2008.

 

Méthode de travail : Écrire à même la vie

Être l’art

Permettez-moi de rappeler quelques uns des fondements esthétiques de mon œuvre en cours, K.I.N.S.K.I.

Le projet débuta en 2002 avec cette formulation : Être l’art.

Cette ambition d’être l’art prend sa source dans une réflexion personnelle sur le statut et la fonction de l’art et de l’artiste.

La théorie est la suivante :

Il ne sert à rien de produire ni de consommer des œuvres, si la vie de l’artiste lui-même n’en est pas une, et si l’œuvre ne transforme pas la vie de celui qui l’envisage : si l’art ne FAIT pas ce qu’il DIT, d’un côté de l’œuvre comme de l’autre, alors l’art n’est rien. La seule manière pour un créateur d’honorer la vie, et les talents qu’il développe, c’est de les utiliser pour devenir lui-même une œuvre – et si l’esthétique ne sait pas se faire éthique, alors elle n’est que fausseté, commerce, usurpation.

Courant 2002, je découvris à travers le documentaire de Werner Herzog « Ennemis intimes / Mein liebster Feind » l’œuvre, et la vie, de Klaus Kinski, et j’y trouvai ce que je cherchais : un artiste qui refuse de se faire enfermer y compris dans son succès, et qui progresse d’art en art, dans un permanent dépassement dialectique de lui-même.

Muni d’une philosophie de vie, et d’un modèle héroïque merveilleusement excessif pour l’illustrer dans un cadre romanesque, je me lançai donc à partir de 2002 dans l’écriture de K.I.N.S.K.I.

Être mort

Or, c’est dans des conditions dramatiques que j’arrivai à Berlin le 10 juin 2008 :

  • En pleine crise existentielle,  épuisé par  14 ans de vocation littéraire échevelée, sans interruptions, pauses ni vacances, dans la solitude, la souffrance et la détresse,
  • après 2 années d’une psychanalyse qui avait fait remonter en moi une pléthore de souvenirs plus noirs que toutes les guerres pétrolières du monde,
  • venant d’apprendre, en janvier 2008, trois semaines après avoir reçu la réponse positive de Cultures France, les graves secrets de la jeunesse de ma mère violée par quatre hommes dont son oncle, son grand-père, et mon père,
  • cette nouvelle m’entraînant dans une grave rechute dépressive,
  • qui fit s’effondrer une histoire d’amour,
  • dont la rupture entraîna un déménagement forcé,
  • cette brutale et rapide accumulation de chocs s’accompagnant d’une totale remise en question de mes ambitions littéraires.

Tout mon monde personnel venait de s’effondrer une fois de plus et ma plume moribonde s’apprêtait à signer la fin de ma biographie plutôt que le début d’un nouveau roman.

A peine descendu de l’avion, je disais donc partout, même à ceux qui ne voulaient pas l’entendre : Je ne veux plus jamais entendre parler d’art, d’écriture, de pensée, ou d’intelligence. Je vais devenir plombier – ou plutôt, Installateur sanitaire et thermique – ainsi la société me donnera une place et cessera de me briser.

Du fond de ce dégoût, la vie s’impatientait : elle tapait du pied contre le plancher de l’abîme pour reprendre son élan vers la lumière.

La vie ne me posait que des problèmes ? Mon enfance avait été un incroyable calvaire où s’étaient enchaînés les traumatismes à tuer non pas un seul cheval, mais tout un troupeau ? L’amour à qui je demandais le salut ne faisait que reconduire les abandons ? J’avais pu multiplier dans la réclusion les pages écrites et les choses extraordinaires qu’elles racontaient, mais je n’avais jamais été capable, – moi, terrorisé comme je l’étais par tout le souvenir des expériences négatives et tout l’infâme héritage dont j’étais porteur, – de vivre moi-même mes romans de l’intérieur, en situation, et dans la peau du personnage ?

Très bien ! On allait voir ce qu’on allait voir !

Je venais d’inventer la notion qui allait m’accompagner pendant tout mon séjour berlinois : ECRIRE A MÊME LA VIE.

 

Kinski 2 (Détruire l’art)

Début 2008, j’avais travaillé autant que possible à la mise en place d’un plan de Kinski 2, livre qui raconte l’histoire des rapports tumultueux qu’entretient un jeune acteur avec son identité d’une part et son art de l’autre : ses débuts au théâtre, au cinéma, et comme performer de nombreux récitals poétiques dans l’espace culturel germanophone.

Le Kinski des années 50-60 a pu incarner aussi bien une femme hystérique quittée qui se suicide au téléphone dans la pièce de Cocteau La voix humaine ; une série de tueurs, dans la longue et assez médiocre liste des films « Edgar Wallace » ; le poète François Villon dans des lectures publiques en haillons et intenses ; l’Oscar Wilde prisonnier de la Ballade de la geôle de Reading ; l’Hérétique de Soana du sensuel et mystique Hauptmann ; un criminel révolté dans un magnifique récit de Schiller ; plus tard, cow-boy pour Sergio Leone, vampire, conquistador, soldat faible d’esprit pour Herzog, samouraï pour L’important c’est d’aimer de Zulawski, acteur, espion, savant fou pour d’autres réalisateurs.

Le thème central de mon Livre 2 est cette logique de transformation de soi, d’incarnation frénétique de mille identités contradictoires successives. Polymorphisme, protéïsme, transformisme, guérison, accomplissement, mise en œuvre d’un projet, sens du challenge et du défi, mise en scène concrète d’un idéal de soi, et enfin reniement libérateur et dialectique, créant le « personnage-vérité » de Kinski l’acteur plus vrai que vrai, le seul capable de jouer un rôle dans la vie sans cesser de jouer sa vie dans un rôle.

 

Je reviens à ma malheureuse petite personne : détruit, désoeuvré, et renégat à mes propres projets, je devins moi-même en devenant Kinski pour être l’auteur de l’œuvre d’art où je lui ferai détruire le désir d’être artiste – si vous me suivez…

Je négligeai donc sciemment l’incroyable richesse culturelle et muséale de la ville – 180 musées ! – car j’en savais assez dans les connaissances après des années de lecture : ce dont j’avais besoin, c’était d’un savoir dans la vie, dans la rue, dans la fête, dans la compagnie de l’Autre.

Dans l’esprit de l’autobiographie de Kinski Crever pour vivre, j’incarnai mon personnage pour effectuer dans la ville une multitude de virées hasardeuses, aventureuses, poétiques, galantes. J’étais prêt à faire n’importe quoi, n’importe quand, avec n’importe qui, n’importe où.

Je fréquentai donc les milieux lesbiens berlinois, dansai demi-nu tenu en laisse par une bisexuelle dominatrice (qui me libéra bien vite, car on ne peut pas me rendre esclave), me liai d’amitié avec des gens de cinéma (l’une actrice pour la télévision, l’autre chef opérateur dans le cinéma), tapai la causette avec de simples citoyens bohêmes et des marginaux comme on en trouve partout dans la biographie anticonformiste de Kinski, dansai des heures sur de la musique afro-américaine dans une boîte anciennement punk, errai en joyeuse bande ivre dans des quartiers inconnus, montai sur des toits la nuit, nageai dans la Spree et les lacs au milieu des canards, participai à des expériences érotiques, évacuai des décombres en convoi de charriot à roulettes à 5h du matin, posai dans une cave devant un feu pour une photographe danoise avant d’y passer la nuit sur un matelas sommaire au milieu des gravats, partageai des moments de liberté dans un parc avec des dealers sénégalais francophones et leurs clients japonais anglophones, rencontrai une grande quantité d’artistes – photographes, musiciens de jazz ou d’électro, graphistes, danseuses… – de toutes nationalités : français, allemands, slovaques, danois, espagnols, suisses… saisis toutes les opportunités, fus de toutes les fêtes, développai mes affinités avec tous les genres de psychologies : des riches et des pauvres, des artistes et des gens loin de l’art, des hommes et des femmes, des hétéros et des homos, des noirs, des blancs, des jaunes, et même des transparences, des enfants et des retraités.

Petar, le journaliste anglais de 60 ans, était mon ami. Jeanne, la photographe anarchiste de 37 ans, condamnée à mort par une maladie incurable, était mon amie. Maël, le jeune graphiste narcissique de 23 ans, était mon ami. Le patron du kébab d’à côté dont je mangeai à tous les repas les pizzas turques, était virtuellement mon ami, même si je ne savais lui dire que bonjour en allemand.

J’ai tout essayé, j’ai toujours dit OUI, oui d’accord, oui faisons ça, oui essayons, oui allons-y. J’ai appris à vivre en accord avec mes idées ; mes idées se sont réconciliées avec la vie.

RapportCultureFrance1

Artistes, amis, amours…

Ainsi donc, j’étais Kinski ; son roman s’écrivait dans la vie berlinoise en se consignant dans ma tête : en accumulant les émotions, les impressions, les souvenirs, d’une pléthore de situations dès lors connues de l’intérieur.

Moi qui avais violemment renié l’écriture, je commençais à tenir un Journal de voyage, qui finit au bout des 3 mois par compter 60 000 mots, soit 200 pages folio.

Enfin, de retour à Marseille, ayant tout de même un peu travaillé aux plans des livres 2 et 4 de KINSKI, mais sans avoir rédigé une seule ligne de texte littéraire, je me lançai, riche de ce tourbillon d’expériences, dans l’écriture : et ce qui avant le séjour se présentait comme sec et désert devient un fleuve de mots qui coule encore : déjà 12000, soit 40 pages, d’un livre qui en comptera 200.

 

Kinski 4 (Un cannibale par habitant)

Mes errances à Berlin m’ont permis de repérer la stratification géographico-historique de cette ville qui me touche au plus haut point : entre industrie bismarckienne et anarcho-communisme, militaristes prussiens contre pacifistes, chemises rouges contre chemises brunes, débauche décadente des années 20 et « Ruhe und Ordnung im Stadt » nazi, Est contre Ouest, capitalisme et socialisme, culture de la haine et rédemption par l’amour, c’est la ville de toutes les contradictions, de tous les paradoxes, de tous les clivages…. Et de toutes les renaissances.

De retour à Marseille, je me suis précipité à l’Alcazar pour mieux comprendre ce que j’avais vu. Histoire de l’Allemagne, histoire de Berlin, histoire des idées, histoire de l’architecture, histoire histoire histoire, dont je proposerai une synthèse très dense quand viendra le moment de la rédaction.

Le plan de mon Livre 4 est fait : il raconte une version échevelée (j’appelle ça « faire du Kinski au carré ») du spectacle « Jésus-Christ rédempteur » de 1971 où il interprétait devant un public tranquille, hippie et conformiste, un Jésus révolté capable de prêcher l’amour d’autrui jusqu’à la plus grande des violences. De facto, le spectacle fut interrompu les deux fois où il fut présenté – j’ai d’ailleurs eu cet été l’occasion d’en voir les images parce que par une coïncidence assez magique, le film passait dans quelques salles.

Sur ce canevas, j’aggrave beaucoup les choses. Dans mon roman, Kinski pour mettre un terme radical aux objections qu’on fait à son Christ, amène sur la scène un TEMOIN, en la personne d’une mouche, qui a assisté à d’odieux événements. En 1944, une chercheuse chrétienne italienne est internée à Auschwitz. Elle vient de découvrir que le Saint Suaire de Turin n’est pas ce qu’on croit : non pas un linceul, mais un slip ; montrant non pas le Visage de Dieu, mais la Bite de la Bête. Sur ce, Christ apparait dans le camp. Pour intervenir ? Pour sauver les juifs, les chrétiens, les résistants ? Non, pour récupérer cette obscène preuve à charge contre lui. Il reprend son bien, repart, et tout le monde continue de mourir. Quand Kinski finit de raconter cette fable religieuse un tantinet ignoble, la salle est en fureur. Kinski déclare alors la guerre généralisée – et c’est toute l’histoire traumatisée de Berlin qui se rejoue en quelques heures d’une guerre civile surpeuplée de références historiques qu’un esprit dément et psychotique manipule en balançant à la salle des parfums, des gazs, des obus et des bonbons – en leur faisant revivre d’un coup toute l’histoire allemande du 20è siècle : la guerre, les années folles, le nazisme, re la guerre, la Shoah, les ruines, l’amnésie, le consumérisme à l’américaine.

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La Deutschland Halle, monument du IIIè Reich, reconverti en salle de spectacles, lieu du grand show Jesus-Christus Erlöser de Kinski en 1971

Berlin, Babel des doux babils

A côté de ma vie kinskienne et de mes élaborations de scénarios, je me lançais dans une multitude de projets par collaboration : modèle pour des photographes (Jeanne Fredac, Veronika Geiger, Marek…), scénariste et dialoguiste pour mes amis dans les arts audiovisuels (David, Natcho).

Le futur plombier négateur de l’art n’avait jamais autant mené de projets artistiques…

Les langues européennes furent très présentes dans mon voyage. L’anglais et l’italien que j’ai appris à l’école, l’allemand que j’ai appris seul, et l’espagnol auquel je me suis initié.

Dans la lignée des Cantos d’Ezra Pound ou du Finnegans Wake de Joyce, je mis donc en chantier plusieurs textes multilingues.

Poems in multilingua for my Berlin friends

Il s’agit d’une série de portraits, sous forme de pantoumes (ces poèmes à forme fixe, excellents chez Baudelaire, dont le premier vers d’une strophe de cinq est aussi le dernier), des gens que j’ai rencontrés à Berlin et de ce que j’ai vécu avec eux. Poèmes d’amour, « Caractères » à la La Bruyère, ou instantanés simili-photographiques en hommage à tous les photographes rencontrés sur place.

Messages from Berlin

Dans le même esprit d’ouverture aux langues, de babélien babillage berlinois, j’ai conçu, mais pas encore réalisé, une œuvre qui serait d’intimité comme de diversité.

Il s’agit de demander à tous les gens que j’ai rencontrés là-bas – une sacrée quantité de gens, finalement ! – de me faire partager quelques extraits de leur correspondance électronique envoyée ou reçue, charge à moi de la faire traduire en français – MAL, volontairement mal et maladroitement – par un traducteur automatique, Google par exemple – avant de retoucher légèrement le résultat pour le faire partager. La mauvaise traduction automatique fabrique une langue que personne ne parle mais que tout le monde peut comprendre, et qui garde la trace idiomatique singulière de la langue d’origine, avec des phrases charmantes comme :

Chers Kirstine,
Je siège dans mon bin ein Berliner-cuisine, la quatrième-bin ein Berliner cuisine en fait. Je viens d’emménager dans un il ya quelques jours, et là est vraiment sympa. Je vis ici 6 semaines libre, et s’inscrit à son tour deux chats, qui vivent aussi ici. Il est juste et bien que j’aime vraiment avoir une belle et spacieuse bin ein Berliner entièrement occasion pour moi-même. À l’heure actuelle, je prends quelques heures à une école de langue pour améliorer mon allemand, passer du temps avec ma caméra toutes sortes de lieux autour de Berlin et l’observer avec les Sweet People j’ai appris à connaître ici.

TokyoBerlin

En collaboration avec un jeune photographe/vidéaste espagnol, il s’agit d’un photo-roman, en cours de réalisation, qui raconte l’errance à Berlin de quelqu’un qui était censé se trouver à Tokyo, où est sa petite amie. Il s’avérera finalement qu’il n’a jamais été à Berlin ; à Tokyo, sa petite amie disparaît, assassinée par un inconnu.

 

Kreuzberg – mon projet de vie

A mon arrivée à Berlin, j’étais SDF, et ça me convenait bien comme ça. J’étais content d’avoir une fois de plus à repartir de zéro.

Avec mon meilleur ami qui, par chance, venait s’installer à Berlin pour y vivre, nous trouvâmes un lieu magnifique : à Kreuzberg, un grand appartement en ruines – comme mon psychisme, comme le Berlin kinskien de 1945 –, vaste – 180 mètres², loué pour une bouchée de pain, où nous avons vécu, les 3 mois, dans des conditions précaires : d’abord sans eau ni électricité, bénéficiant pour nos besoins fondamentaux de l’amitié et de l’hospitalité de tous nos voisins et amis dans la rue et le quartier – Berlin est d’une convivialité, d’une gentillesse, que je n’avais jamais rencontrées ailleurs.

Ce lieu, n’est pas que le lieu d’accueil de ma Mission Stendhal. Il est maintenant un projet de vie à part entière. J’ai en effet résolu d’aller vivre à Berlin, où tout est plus stimulant, plus riche (mais moins cher), plus accueillant, plus libre qu’en France. J’y serai dans quelques mois.

Nous disposons là-bas d’une haute pièce de 40m² environ, avec deux larges vitrines donnant directement sur la rue. Nous allons en faire un lieu d’art et de vie sans assignation précise, mais ouvert à tout et à tous : galerie, home-cinéma (nous avons un projecteur diffusant une image de 4 mètres par 3), salle de concert et de danse, lieu associatif et militant… Le nom de ce lieu : Überall – ce qui signifie : Partout !

L’Art, la société et l’Etat

Je tiens à le dire : je remercie sincèrement les institutions culturelles. Je remercie Cultures France d’avoir accordé son soutien à mon projet.

Ayant grandi dans le dénuement et l’horreur d’un HLM, mère alcoolique battue, père délinquant démissionnaire, misère et folie à tous les coins du bloc, mes origines comme ma vocation d’artiste me laissent démuni devant la vie dans la société capitaliste.

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Mon HLM d’enfance, revu par l’artiste Anne-Valérie Gasc dans notre livre Bomb Bunker Buster

Mes traumatismes psychologiques ont rendu prioritaire, dramatiquement urgente, l’expression artistique qui est le moyen par lequel j’ai survécu à une histoire faite d’inceste, de vols, de viols et de violences (on trouve les mêmes éléments dans la biographie de Klaus Kinski comme chez beaucoup d’autres artistes). En danger de l’intérieur, tenant rancune à la police, à la justice, à la médecine, aux affaires sociales, bref à tous ceux qui n’ont pas pu me protéger de ce que j’ai vécu et sauver ma famille, j’ai par le passé attaqué, dans divers textes, très franchement, les institutions de notre société – et face à la droite du travail obligatoire, du mensonge permanent, de la défiscalisation des riches, et du Ministère de la honte nationale, je continuerai de m’engager contre les puissants en faveur de notre meilleur ami : Autrui.

Mais ces dernières années, ce qui m’a permis de continuer à créer, écrire, participer à la vie culturelle, ce qui m’a redonné confiance en la vie,  c’est aussi le soutien que m’ont apporté successivement le CNL en m’attribuant une bourse Roman fin 2006, l’ARL PACA en m’invitant à diverses manifestations, et Cultures France en m’envoyant à Berlin en Mission Stendhal.

Dans le contexte d’une culture commerciale, omniprésente, d’un audiovisuel envahissant, d’une littérature qui se vend au poids comme les légumes sous les ondes radioactives d’une télévision passablement américanisée, bref, dans le cadre d’une société d’exploitation multilatérale qui ne sait guère à mon avis reconnaître ce qui est bon pour elle, l’aide de l’Etat aux artistes est essentielle. On ne peut guère compter sur les éditeurs, récemment concentrés en géants de l’inculture. Ni sur les médias prescripteurs, qui prescrivent le jetable, et jettent le reste. Ni sur le public, réduit et aliéné par des décennies de publicité, de faux intellectuels, de faux artistes, formé par une école et une université de masse qui oublient trop souvent qu’il y a quelques bases à connaître avant d’accorder le diplôme.

Je resterai un auteur et un citoyen critique et vigilant à l’égard de ce qui m’entoure. Mais je profite de ce rapport pour vous exprimer ma reconnaissance : sans votre écoute, et sans votre aide financière, je n’aurais peut-être pas été à même, ni de surmonter les épreuves vraiment difficiles auxquelles j’ai été confronté, ni de terminer mon grand roman qui sera une conclusion tirée de ces épreuves et un message pour tous.

MERCI.

RapportCultureFrance4

Visite au Mémorial des juifs assassinés d’Europe, à Berlin

Ludovic Bablon

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