Histoire d’une survivante de viol collectif

Note :

ce texte est un dialogue entre mon amie J. et moi, Ludovic, auteur de ce site.

Je cite les propos de J. en gras, et les miens en caractères normaux.


Bonjour mon amie.

On se connait par Facebook toi et moi, on s’est rencontrés dans un groupe de poésie il y a environ 1 an je dirais ?

On a sympathisé dans ce groupe et en privé. Je te trouvais brillante, originale. Rapidement j’ai vu en toi une sorte de sœur spirituelle, j’ai senti que quelque chose nous rapprochait, quelque chose d’important, de vital.

On a beaucoup discuté et rapidement on a compris pourquoi on se comprenait si bien : toi et moi, on est des survivants de multiples viols ou agressions sexuelles. Mais toi, je trouve, c’est bien pire, ça me déchire le cœur d’y penser, j’ai les larmes qui me montent aux yeux en écrivant cela…

On a bien rigolé ce jour-là, on écrivait du « garden porn » et tu m’as filé 25 balles à 10 minutes d’une deadline par PayPal. Je te les dois encore d’ailleurs.

Ah oui c’est vrai 🙂 Je sais, j’ai sciemment laissé courir, je me suis dit que tu faisais exprès de nous lier par cette dette dérisoire mais symbolique.

Exactement.

Je t’ai proposé ce soir de raconter la partie la plus tragique de ton histoire sous forme de conversation, de discussion. Tu as accepté. Je pense que le récit, conscient, de faits criminels subis, fait partie de la résilience de la victime, et également que ce récit tend un miroir à notre société immorale et infecte, tout ou partie…

On commence ?

Oui, on écoute quoi comme musique?

🙂 J’avais mis Biolay – Ton héritage

puis c’est passé tout seul à Amy Winehouse – Back to Black

Je pense que Youtube a une sorte d’intuition…. 🙂

Tu veux écouter quoi toi ?

J’aime bien la musique des autres. Back to Black c’est parfait.

Ok. Commençons. Alors J… Que t’est-il arrivé de pire ?

Le mensonge, lorsque j’étais enfant, on ment beaucoup trop aux enfants, on leur fait croire n’importe quoi, c’est dégueulasse. I loved you much. Les enfants aiment leurs parents si fort, on est des chiens avec nos gosses, c’est ce qui me choque encore le plus dans cette société qui légifère, à présent, infanticide.

Je ne m’attendais pas à cette réponse, tu sais où je voulais en venir mais ok 🙂 Quel genre de mensonges on te servait ?

On fait que ça mentir aux enfants. Je crois que ma mère m’a parlé de sexe beaucoup trop tôt, tu sais l’art de la fellation à 6 ans, pff m’en foutais moi je voulais jouer.

Tu sais très bien Ludo que c’est pas les détails croustillants qui font le plus mal, c’est les mots.

Oui, mais je suis soucieux de narration – raconter une histoire, c’est exposer une morale…

C’est pas la bite de mon grand père maternel cherchant chez l’enfant de 5 ans l’envie de sucer, c’est qu’il m’ait dit « essuie-toi sale fille« . Avec la serviette qui était aussi mon cadeau d’anniversaire. Un petit Mickey qui cuisinait, une petite serviette qui avait déjà servi, raffinement symbolique de pédophile. Ils adorent ça imprimer l’inconscient des enfants. Mais était-il pédophile ?

:'( Quelle horreur… tu ne m’avais pas raconté ça… wallah, je suis effondré…

Je suis effondrée pour toi aussi, you know that I’m no good. J’ai regardé le soleil. Longtemps, je l’ai fixé, je me suis dit regarde le soleil imprime ça dans ta tête à la place. Ensuite en descendant du bureau, j’ai regardé le grand miroir et je me suit dit regarde-toi dans les yeux jusqu’à oublier ce qui vient de se passer. ça a duré un peu moins de vingt ans.

Lol 🙂 c’est sympa ton empathie envers mon empathie 🙂 I know you’re good !

Ce grand-père, il t’a fait faire ça une fois ou plusieurs ? C’était ponctuel ou ça a duré ?

Pour ma petite cousine de un an de plus que moi, en hôpital psychiatrique, schizo, je sais pas. Pour moi, juste une fois, enfin je pense, j’avais 5 ans. Je suis très forte. Je suis une dure. Sous des airs poupéeèsque, c’est la protection que j’ai demandé.

Donc, ce porc a violé ta cousine ? Elle t’en a parlé, enfant ?

Pour ses 5 enfants il n’aurait pas été un porc quoique quand même m’ont été rapportés beaucoup d’incestes symboliques, tu vois de quoi je parle ? Son couple était catholique pratiquant, sa femme surtout, ma grand-mère, qui a trimé toute sa vie en cuisine et baisé que pour faire des gosses. C’est difficile certains jours d’être aussi lucide. Des gens bien, une belle maison. 4 filles belles comme des déesses.

Bon, je pense que c’est le moment d’écouter Cœur de pirate – Mistral gagnant.

Me suis souvenue de tout ça en très clair en emménageant avec le père de mon futur fils dans mon premier appart. Je l’ai dit à mon père, j’en avais besoin, il a pas su se taire il l’a dit a ma mère qui l’a dit a ses sœurs, bref j’ai fini par me faire agresser par ma propre famille et menacer de mort. Avec le temps ma propre mère et même ma sœur ont relativisé le truc en me parlant de souvenirs induits etc et ça faisait juste un gros malaise,. Et puis, l’indifférence.

C’est le moment d’écouter Serge, les feuilles mortes, presque déjà.

Tu parles de La Chanson de Prévert ?

Oui.

OK.

Elles sont entrées dans ma maison, m’ont enfermée chez moi, ont regardé dans toutes mes armoires et essayé de me faire un lavage de cerveau. Sexe et violence. Là tu vois, encore, je subis une forme de violence d’un mec, j’ai juste baisé avec, c’est tout, on dirait que pour beaucoup ça va ensemble, au pieu, j’adore, mais quand je suis dans mon équipement microfibre, débranche.

Ton équipement microfibre ??

C’est une matière, je suis dans le gilet a tirette bleu de ma grand mère, j’ai bien bon comme on dit ici.

Fume, c’est du belge 🙂

Ma grand-mère paternelle. Mon dieu. Elle m’a appris à parler aux fleurs. Elle m’a beaucoup écouté, c’est mon premier psy.

Un jour en descendant de chez elle à pied pour aller à l’école, j’étais heureuse, c’était la première fois que je retournais à l’école à pied après midi, un gars de 17 ans, j’en avais 8, m’a attrapé la petite fleur, en pleine rue, en rigolant, puis il continué son chemin. Moi je suis une dure, je me suis dit, porte plus jamais de short cycliste mais j’ai pleuré, c’est comme si une certaine vision du sexe agréable s’envolait.

Bien, je pensais qu’on écrivait pour raconter ce que tu sais, mais on vient de prendre un bon détour et notre barque est déjà bien chargée… ça commence à ressembler au voyage égyptien vers le pays des morts… :'( la barque coule, on sombre dans l’autre monde d’en-dessous…

Tu veux quoi on abrège on passe au viol collectif?

C’est pas ce que je voulais dire : je pensais qu’on allait parler de cela en effet, j’ignorais qu’il s’était passé tout ça bien avant, que tu es donc arrivée dans l’expérience de viol collectif déjà lourdement traumatisée. C’est incroyable…

A 16 ans j’ai été folle amoureuse passionnée pour un serbe, sûrement parce qu’il me traitait un peu comme une merde. Il mettait pas la langue. J’aimais bien, une copine m’a dit il voudrait que tu mettes la langue. Je l’ai mise, il m’a larguée comme une merde devant tout le monde en faisant un signe de la main alors que j’arrivais pour l’embrasser. J’ai eu de la chance, deux semaines plus tard il brûlait au troisième degré sa petite amie avec la friteuse. En plein visage. il venait de la niquer. Elle avait pas voulu faire des frites pour lui.

On y est là dans ton concept, on y entre. Société toute décadente on est mort saoul devant nos mômes.

Un énième mec sympa. De la famille Milosevic ?

Beau. A 7 ans un mec de 12 a essayé de me pénétrer dans la classe de maternelle, un peu de force quand même, le fils de l’instit, des gens bien.

C’est le moment de passer Marilyn Manson – Sweet Dreams (Are Made Of This)

On ne sait pas ce qui se cache derrière les maisons bien propres et les sales c’est pire. Il y a moi il y a ce que j’ai vu et il y a ce que j’ai vécu par procuration, tu sais je suis hypersensible. ça va là notre truc?

Oui « ça va »… ça me rappelle PNL tiens…

« J’mens quand j’dis Ça va, ahlala… »

PNL – Oh Lala

Oups.

Te tracasse pas pour moi.

Te sens d’ici.

J’étais une viking.

Si on faisait une séance de psychanalyse, ça vaudrait déjà deux séances, tout ça… Mais bon, nous les scandinaves, on boit un bol de sang chaque matin dans le crâne de nos ennemis, rien à foutre 🙂

Oui putain désolé t’avais dit on parlait pas de moi.

Si si, on est là pour parler de toi, et de la connasse d’infirmière, et du défilé d’enflures de mecs.

Trouve pas le mot, j’ai la rage à dominer, elle est revenue, forcément, il y a impunité, les gens se font défoncer, d’honnêtes mecs, police fait rien, on est libre, on le sait pas.

T’avais dit on fait un texte à deux.

Et toi ? c’est quoi qui t’a fait le plus souffrir frérot ?

J’avais pas prévu de parler de moi vu que j’ai déjà tout raconté abondamment depuis ma psychanalyse y’a 10 ans. Mais si tu veux 🙂

J’ai fait aussi une psychanalyse. Allez dis ?

Hm, moi, c’est d’avoir vu ma mère se faire tabasser, je pense, j’ai vraiment cru que ce porc ultra-violent, alcoolique et pédophile de Francis Crevisy allait la tuer sous nos yeux. Puis, c’est d’avoir compris confusément qu’en fait, elle était consentante, elle se laissait faire, elle voulait mourir. Elle tolérait la violence de son conjoint, s’abstenait de le dénoncer, ne faisait rien pour lui fermer la porte, appeler la flicaille, se faire aider, aller porter plainte le lendemain, mobiliser les voisins ou ses parents à elle, ou même nous, genre mon grand frère. Elle aurait pu sortir de l’alcoolisme, de la dépression, de la violence, mais ce qu’elle voulait, c’était y rester. Elle s’est donc suicidée pendant des années sous nos yeux, utilisant ce pervers comme arme, et le malheur, c’est qu’elle nous a tous traumatisés avec ça, ses trois enfants, et qu’elle vit toujours, toujours déprimée, toujours suicidaire, toujours alcoolique. C’est une agonie qui dure 67 ans, sa vie.

« Africa tu n’as pas d’âge, ils veulent te marier marier marier… ton nom d’famille s’ra prise d’otage, à quoi sert d’être lion en cage ? »

Booba – DKR

A quoi ça sert ?

Si je dois TOUT dire tu sais… nous faudra des années.

Tu en as beaucoup des horreurs dans ton ptit sac ?

Je sais pas. Je transforme. J’aime bien rigoler. C’est la catharsis permanente, lol.

On est obligés de fuir par l’imaginaire, sinon le réel va juste nous égorger comme des merdes. Courage, fuyons !

Tiens intéressant, on parlait de ça hier avec ma sœur.

Tu as quel âge déjà ? Moi, 41 (1977)

36.

Ok. Bien. A un moment, tu es devenue amie avec une infirmière ?

Ma meilleure amie depuis mes seize ans est devenue infirmière, elle a largué son mec pour une histoire de SMS sexy, une conne, jalouse. Elle travaillait avec des vieux, petite fille de 2 ans, interdite de papa pour cause de SMS sexy, son père était au conseil communal elle a eu un appart social tout de suite. Elle était dans sa passe sexy milf, je venais de terminer l’allaitement. Première sortie; elle était habillée avec des bas résille, pour un concert de gratte au casino, elle voulait absolument des Stimorol. Tu sais pourquoi?

Pour sentir bon de la bouche ? Elle venait de sucer la hyène d’un clochard pour un morceau de crack ?

Non pour injecter son mélange concocté au taf discrètement dans le paquet de chewing-gum. Elle avait prévu une chouette soirée avec sa meilleure amie dont le ptit bout n’avait pas encore fait ses premiers pas, une maman, une femme, une tarée de sa chatte qui brûle. Elle a été violée par son papy à l’age de 4 ans, sa mère lui a dit de la fermer quand elle s’est confiée parce que chez nous on est des gens biens et voila ça nous avait rapprochées, le jour ou elle l’avait vomi.

Quand tu dis « elle », tu parles de l’infirmière ou de sa meilleure amie ?

Je suis pas partie avec elle.

Elle a même pas essayé de me retenir, elle râlait.

J’étais défoncée a bloc, toute excitée, paralysée, saoule.

Ils se sont arrêtés sur un parking et ils ont sonné leurs potes.

Une aubaine, juste a cueillir.

« Ils n’ont jamais vu ça » Je suis assez fière au moins, enfin, tsais bien, on rigole…

Me souviens des lumières bleues de gsm.

Des menaces de mort.

De mes chaussures difficiles a enlever j’ai cru qu’ils allaient m’arracher les jambes.

C’était trop violent, trop douloureux, je suis sortie de mon corps, je sais encore le faire, c’est devenu un mécanisme de défense.

Alors alors. Oui, on sent bien là à te lire que tout devient chaotique, on ne comprend plus bien, les faits sont déconnectés, on sent l’influence de ce que Muriel Salmona, excellente thérapeute anti-viol – et scientifique, pas spéculative comme tant d’autres qui sont juste des interprètes sans valeur du phénomène de la violence sexuelle subie ! -, appelle le court-circuit de l’esprit au moment du viol. Elle explique qu’une partie du cerveau, archaïque, fondamentale, disjoncte en quelque sorte, coupe le jus de la conscience, fait sauter la tête pour sortir d’une situation trop infernale, trop douloureuse à vivre. C’est probablement ce que tu as vécu.

Divers articles sur la dissociation traumatique à lire ici :

https://www.memoiretraumatique.org/psychotraumatismes/dissociation-traumatique.html

(c’est très fort et très éclairant, et ça aide à aider les victimes en comprenant mieux ce qu’elles disent.)

Ça rend intelligent 😉

C’est pas fini, les mecs qui venaient de me violer avaient donné rendez vous à ma copine dans un café, pour l’alibi bien sûr. Je dis ça mais il m’a fallu des années pour tout relier de flashs en recoupements.

Elle a passé son temps avec son pote à se foutre de ma gueule.

J’étais dans un bar karaoké dans les bras du plus beau qui venait de me violer et je faisais des pipes à la chaîne aux toilettes sous ses yeux.

La seule gentillesse qu’elle a eu pour moi c’est de me rincer un peu le visage.

Si je résume les faits tels que je les comprends :

Ton amie infirmière a rassemblé diverses drogues – tu m’avais raconté ça y’a un an – notamment des médicaments paralysants musculaires, et des tranquillisants neurologiques.

Oui à son taf, elle bosse avec des vieux elle a plein de calmants elle en consommait d’ailleurs beaucoup.

Et j’ai réalisé que elle m’avait déjà droguée deux fois avant dans la même année, elle a pété une case.

Elle a organisé ton viol collectif, en t’amenant comme une proie sexuelle sur un parking, dans une voiture, appelant des hommes, qui en ont appelé d’autres, cyniquement opportunistes ?

Pas vraiment, je lui étais destinée pour sa soirée à elle avec son pote qui avait certainement payé mais c’est d’autres mecs qui m’ont embarquée. Tu suis. C’est un peu machiavélique je sais.

Son pote avait payé ?? elle te prostituait en fait ?

Peut-être, ce soir-là oui je pense, c’était une forme de prostitution et de vengeance aussi.

ça me donne envie de baiser pour évacuer la rage, tu connais?

Pourquoi de vengeance ?? Non moi ça ne m’excite pas du tout, ça me navre, je hais cette femme et ces hommes. Mais je comprends, je sais qu’une des pires formes de viol, c’est quand la victime jouit – trahie par son corps. C’est la pire forme car la victime se sent complice, abandonnée par ses propres organes qui collaborent avec l’agresseur.

M’excite pas non plus, j’exagère, j’ai envie d’un ptit câlin, normal.

Vengeance parce que je n’avais pas été assez présente pendant sa grossesse, je venais de devenir maman. Bordel.

Non mais même si ça t’excitait, ce serait une réaction normale, d’un point de vue clinique on sait que c’est fréquent, et c’est terrible…

Non me rappeler ce truc ne m’excite pas, je pense avoir évité le pire. Par contre quand j’en ai parlé à certaines filles j’ai brisé leur fantasme, je le voyais dans leur yeux. Pourquoi elle parle de ça ? j’en parle plus, personne ne sait.

En général les gens n’ont aucune intention de réaliser leurs fantasmes. Et en général s’ils le font, ça ne marche pas si bien !

On retrouve là la thèse géniale du psychanalyste Robert Stoller dans son bouquin L’excitation sexuelle. Dynamique de la vie érotique. Sa thèse : ce qui nous fait jouir est la conversion érotique de nos pires traumas, de nos peurs, angoisses, mauvaises expériences précoces.

En fait après mon viol je n’ai reçu de câlin de personne. C’est ça qui vient de m’arriver, j’ai eu envie de bras car j’ai pas eu de geste sécurisant après. Me suis pris la honte et la gêne des autres en pleine gueule. Les autres c’est les médecins les psys les policiers que j’ai croisés. Sauf un, mon psy avec lequel j’étais déjà en consultation, il m’a aidé, à cette époque, c’est le seul à l’avoir fait et je suis consciente d’avoir eu de la chance, j’ai eu un bon psy, un gentil.

Oui je comprends. Que quelqu’un prenne soin de toi avec affection au lieu de t’utiliser avec cynisme et indifférence.

Je me suis débrouillée de mon mieux, j’ai pris ce que je trouvais, m’y suis accrochée.

Il y a donc eu ce viol collectif sur le parking, dans une voiture c’est bien ça ?

Oui et les turlutes à la chaîne sous les yeux de ma copine après. A 6h du mat ils m’ont offert un croissant, sympa hein.

Combien y avait-il d’hommes ? 5, 10 ?

Plus de quinze. J’ai compté de flash en flash. Les voix, les odeurs et les bites. Après, c’est revenu sur deux ans.

:'(

Quels âges avaient-ils à peu près ?

De 26 a 45 ans.

Combien de temps ça a duré tout ça ?

Toute la nuit.

De quelle heure à quelle heure tu dirais ?

De minuit a six heures. C’est difficile à écrire et en même temps c’est un beau titre.

Oui 🙂 ça me rappelle le sublime titre de la pièce de Bernard-Marie Koltès : La nuit juste avant les forêts

Et combien de temps dans la voiture, combien de temps dans le bar ? Une pause entre les deux ?

Voiture 40 min parking 2 heures bar le reste de la soirée. Personne n’a rien fait des gens présents. Je me souviens d’avoir vu mon visage dans le miroir, j’étais de toute évidence droguée. Mes cheveux, mes yeux ma peau tout était vide.

Est-ce qu’elle t’a droguée uniquement AVANT tout ça, ou est-ce qu’elle en a rajouté pendant la nuit pour te maintenir docile, paralysée, calmée de force ?

Elle m’a apporté des verres.

Ptet elle a utilisé du GHB. Une femme m’a raconté avoir été violée sous GHB, on lui a fait boire d’une bouteille. (Femmes, évitez d’accepter ce genre d’offrande, des mecs et certains femmes sont juste trop pervers pour que ce soit sans risques.)

Je ne sais pas mais qu’est ce que j’écris mal.

C’est normal t’inquiète.

Le lendemain je me suis réveillée, j’ai senti physiquement une petite flamme s’éteindre à l’intérieur de moi, mon fils dormait, dans son ptit lit. Et ma culotte était à l’envers. Ma tête aussi. Et je pleurais sans savoir pourquoi, de façon physique ; après deux cafés j’ai sonné chez un ami 😉 il m’a dit de porter plainte, je voulais pas le faire, j’avais raison, je l’ai écouté. Je me roule un, pour la police 😉

Un joint ?

Bien sûr.

Ok. Ne le charge pas trop, tu peux te calmer mais reste lucide steuplaît.

Oui docteur.

Moi aussi je fume en partie pour cette raison. Trop de mauvais souvenirs, trop d’angoisse séquellaire.

Ok. Est-ce que tu voudrais bien évoquer ce qu’ils t’ont fait sexuellement ? Tu m’en avais parlé il y a un an. Je te jure que c’est pas du tout par perversion que je te pose cette question, c’est parce que je pense que ce qu’ils ont fait est lié au porno, et donc il faut que la société sache ce dont elle est capable en termes de violence sadique, où le sadique jouit, est excité, aime ça, et s’en fout totalement de ce que ressent sa victime.

Oui j’étais un objet, la drogue m’en donnait l’apparence en plus. J’ai l’impression que c’était banal, une soirée entre potes. Il se sont bien amusés. Je n’ai pas hurlé au secours je souriais aux anges, je leur souris toujours. Eux ils ne savaient pas, ils se sont pas tracassés, mon amie non plus. Moi là je souris, je suis rentrée, en vie, là où mon fils dormait. C’est devenu mon atelier. Chez moi on est aussi confortable que chez Ernest et Célestine.

Ils ont pris des vidéos je suis presque sûre d’être sur un site ; j’ai cherché, j’ai vu beaucoup de vidéos où les filles sont droguées.

Si des vidéos ont été mises en ligne, il y a des logiciels de reconnaissance faciale très performants, c’est une piste possible. On se servira de notre texte pour demander si quelqu’un de riche peut nous aider !

Tu avais quel âge ?

31 ans et un bébé.

ça ne fait que 5 ans !!! ça signifie que ce n’est PAS prescrit, que tu peux toujours porter plainte et obtenir condamnation judiciaire, donc reconnaissance symbolique + réparation matérielle !!! ça a brisé ta vie déjà brisée à 5 ans et ensuite, tu as bien le droit d’être dédommagée, soit par ces porcs et cette connasse, soit par ta société, ton État – censé protéger ses citoyen-ne-s.

Oui , il n’y a plus de justice. Je dois payer 700 balles d’avocat, on m’a même pas envoyé une lettre pour le jugement et à la fin de l’enquête j’étais une pute.

Mon amie a un papa qui connait des gens. « Vous savez le père de votre amie est dans le conseil communal de Dalhem… » Elle a dit au policier que je faisais tout le temps ça.

Certaines phrases des flics m’ont marquée…

« Vous étiez habillée comment ? »

« Vous avez la réputation d’être libre. »

« Moi le magistrat je lui dis mon avis il m’écoute alors il serait temps d’être sûre de vous. »

Tu sais on m’a même coupé les cheveux pour analyse ADN, on a vu que je fumais des pétards, ça mérite bien un ptit viol.

Après 6 mois d’enquête les policiers m’ont dit « C’est quoi le GHB ? » Je le leur ai appris…

Le jour où j’ai porté plainte ils m’avaient dit: « ça n’arrivera jamais a ma fille« , et aussi « mais votre intention en partant avec votre copine c’était de vous faire des mecs non?« 

Genre… « Oui voilà j’avais la ferme intention de me faire violer un bon coup par 15 queutards ordinaires, CONNARD ! »

Et une autre fois l’un d’eux m’a sorti : « Ma femme aime jouer au viol« .

Ou encore : « Et vous vous laissez votre enfant à son père pour sortir ? »

Il était déjà 23 h. A minuit ils m’ont emmenée à la morgue en bagnole, en silence, il pleuvait fort, il faisait froid. La dame moche, rectangulaire toute frustrée qui allait me toucher la chatte venait de toucher des morts. Elle a été partout, dans tous mes trous, sans rien me dire, méchante, avec des gestes froids et une série de questions posées avec un total mépris et zéro empathie je ne suis pas féministe allez vous faire mettre avec ça. Elle m’a dit: « En fait je constate que vous avez déjà pratiqué la sodomie ? de toute façon vous aviez d’anciennes fissures anales trois petits points alors…« 

Quelle chienne de nazie.

Puis elle a demandé pour parler aux flics en privé, je n’étais pas d’accord, j’ai rien eu a dire.

En fait, cette bande de blaireaux n’est formée à rien, ni au droit ni à la médecine ni à la psychologie. A chaque affaire que je leur amène sur un plateau, ils ont l’air perdus et cherchent en vain dans des codes juridiques pour voir si tel ou tel délit existe ; dernièrement, ils ont semblé découvrir, étonnés, qu’existent les délits de refus de soin et de prescription dangereuse par médecin-traitant de ma mère, qui la bourre d’anti-dépresseurs depuis 20 ans en sachant qu’elle est alcoolique et que les anti-dépresseurs sont absolument contre-indiqués avec l’alcool ; la plainte n’a rien donné, et le fils de garce de Procureur de la République à qui j’ai écrit n’en a manifestement rien à foutre non plus (salaire : 5 à 8000€, ça fait chéro le kilo d’incompétence et de cynisme). Les médecins et les autres autorités sont « plus égaux que les autres » et peuvent abuser à tort et à travers sans rien risquer. Mais quand tu fumes un spliff ou pètes dans ton bain, là t’as 3 camions de flics qui débarquent avec des chiens et des lacrymos et des grenades, pour ramener l’ordre républicain DTC.

J’écoutais leurs conversations lors des trajets en bagnole ils étaient effectivement ignares, très cons, bêtes à la limite de la dangerosité.

« Qu’est-ce qu’un demi-flic ? C’est un type qui sait NI LIRE. »

Je voulais me reposer après cet incident traumatisant ailleurs que chez moi car j’avais peur d’avoir donné mon adresse, pas de place en HP pour jeune maman violée avec son fils, alors hôpital en pédiatrie, en pleine crise de gastro, j’étais pas la bienvenue, une infirmière a secoué mon fils sur son lit comme un prunier, il avait un an, elle l’a insulté devant moi, j’ai été trouver le chef de service j’ai dû demander à quatre reprises, elle a eu un petit avertissement, j’aurai dû l’étrangler. ça a duré une semaine sans me laver ; on a fait croire à la famille que mon fils était malade. Ma sœur voulait pas que je le dise aux parents.

Début de l’enquête le « méchant » a sorti sa veste en cuir, je me suis offert un petit HP séance de baignoire récupère ton cerveau c’est bientôt Noël, avec ma super assurance hospi, me suis coltinée les stagiaires de 15 ans, leurs questions de stages, me suis lavée dix fois par jour, puis quatre , puis trois. Mon fils venait le soir avec son père voir maman. Putain quelle courage j’ai eu. Me suis relevée en une semaine chrono avec de l’eau. Les représentants de la loi sont venus tous les jours me foutre la trouille, ils étaient sur une piste de rabatteurs de la mafia bulgare. Quand cette piste a été mise de coté il a rangé sa veste en cuir mais je ne l’ai plus intéressée. « Ah non en fait c’est pas la mafia bulgare c’est juste votre meilleure amie qui vous a prostituée pour un divan Ikéa. » Je le faisais plutôt rire même.

« Nous ma petite dame entre policiers avec ce qu’on voit on a besoin de décompresser et tout ça on doit en rire, entre nous hein, on va boire un verre à la pizzeria de herstal et votre histoire on a appelé cela la chupetta party » ils m’ont dit ça dans la voiture de fonction en revenant d’une prise de sang.

Après un an les enquêteurs ont changé. Et tout a été étouffé ; je commençais à fatiguer de cette merde et à avoir envie de me promener dans l’herbe verte avec mon fils. J’ai toujours été une rebelle. J’ai compris, je vais vers la douceur de vivre tout est pourri, les gens drogués à la TV, et la nature… alors je joue.

Pff, fumiers de flics. Comme d’habitude ils font tout le contraire de ce pourquoi on les paye.

N.W.A. – Fuck The Police

On les chope régulièrement à violer – une fois, un CRS avait violé 10 femmes dans le cadre de ses fonctions. Le gendarme Alain Lamarre tuait des femmes la nuit, de loin, d’une balle dans la tête ; il avait en charge l’enquête sur ses propres crimes, l’enquête n’avançait pas trop, mais il était bien noté, bien vu par sa hiérarchie, ce tueur psychopathe était un « gendarme exemplaire ». Des policières quittent la police écœurées à cause de leurs harcèlements, de leurs blagues graveleuses, de leurs attouchements. Récemment, plein d’affaires de viol ont touché les pompiers de Paris, qui organisaient des gangbangs sur des jeunes recrues adolescentes, des filles de 14, 16, 18 ans. Ils « faisaient tourner » leurs numéros de téléphone et venaient de loin pour les baiser. FUMIERS. Les forces de l’ordre et autres gens de loi (avocats, magistrats), c’est 10% des violeurs reconnus, d’après les stats. Les vaches sont bien gardées, avec ces porcs phallocrates en uniforme au service de nos lois.

Ludovic, j’aimerais savoir ce que tu attends de mon témoignage, dans l’essence ?

Je te l’ai dit avant : je souhaite qu’on publie ton histoire, c’est la même chose qu’avec #metoo et #balancetonporc, le témoignage de quelques actrices d’Hollywood contre les viols de Weintsein, le producteur de Pulp Fiction de Tarantino a lancé un mouvement mondial de dénonciation de la culture du viol. Cela fait bouger les choses partout, en Europe, en Afrique, en Asie, en Amérique. Des tas de violeurs qui n’étaient pas inquiétés, ont été dénoncés et éliminés. De hauts responsables, des mecs célèbres et puissants, riches, forts, ou de simples petits blaireaux anonymes. L’ordre de la domination masculine se fracture, les victimes qui se taisaient en masse parlent en masse, les agresseurs qui dominaient tout se cachent et font profil bas, tout cela crée une nouvelle ambiance où le viol est MOINS possible qu’avant, car les femmes savent mieux se défendre et les hommes osent moins attaquer. Voilà l’enjeu. Tes viols subis seront pris en compte, révolteront la conscience de nombreuses personnes, et les motiveront à agir. A écouter, aider les victimes qu’ils/elles connaissent. Et les violeurs qui nous liront réfléchiront, ressentiront un peu du mal qu’ils nous ont fait. Enfoirés.

La loi sur le consentement est en train de passer comme une patineuse, elle glisse, et elle glissera sur de nombreux petits derrières, c’est écœurant, tu ne peux plus utiliser le système contre le système, il faut faire autre chose. Je pense a de nouvelles solidarités, sauvages.

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